Musée de la Vie wallonne

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"Berthe Bovy, la petite Liégeoise à l’assaut des scènes parisiennes"

La bague ci-contre a été achetée à la bijouterie E. Forest Joaillier de la rue Rivoli à Paris

En 2015, le Musée de la Vie wallonne reçoit en don la bague de fiançailles de Berthe Bovy...

On se défait rarement de ses bijoux de famille, à plus forte raison lorsqu'ils ont une haute valeur symbolique. Une bague de fiançailles, au même titre qu'une alliance, nous accompagne souvent dans la tombe. C'est donc un très beau cadeau que le Musée de la Vie wallonne a reçu lorsqu'il s'est vu offrir la bague de fiançailles d'une Liégeoise de renom : Berthe Bovy.

Berthe Bovy est née le 6 janvier 1887 à Cheratte, près de Liège. Son père, Théophile, est particulièrement actif dans les milieux artistiques et littéraires wallons. Imprimeur, auteur de chansons, de revues, de pièces de théâtres, il fonde également l'hebdomadaire Li Clabot, dont les quarante années d'édition constituent une longévité inégalée dans le domaine. Il œuvre également dans les milieux théâtraux et, bien qu'il soit lui-même acteur et auteur, il travaille à la mise en scène et à la gestion de troupes d'amateurs. Mais c'est essentiellement la composition d'une chanson qui place Théophile Bovy parmi les incontournables auteurs de langue wallonne : en 1902, il compose Li Tchant dès Walons, hymne dont la version française est devenue chant officiel de la Wallonie.

Dans ce cadre éminemment propice, Berthe Bovy développe une passion pour l'art dramatique. Encouragée par son père, elle monte sur les planches dès l'âge de six ans et joue des intermèdes ou des rôles secondaires. C'est une rencontre avec l'actrice française Sarah Bernhardt, de passage à Liège, qui va sceller son destin d'actrice. La grande dame prend l'enfant sous son aile. Inscrite au conservatoire de Bruxelles, puis à celui de Paris, on ne s'étonne pas vraiment de la voir entrer à la Comédie Française en 1907, dirigée à l'époque par Sarah Bernhardt elle-même.

La Liégeoise se fait un nom dans le monde du théâtre français et devient sociétaire de la prestigieuse institution française dès 1920. À une époque où le cinéma en est à son balbutiement, les acteurs de la Comédie française sont régulièrement sollicités pour intervenir dans les films muets, entre leurs répétitions et leurs représentations. Berthe Bovy est donc rapidement amenée à jouer dans de nombreux films, parallèlement à ses rôles au théâtre.

Elle côtoie de grands noms comme Sacha Guitry et Jean Cocteau. Ce dernier, qui dit d'elle qu'elle est « Construite en nerfs et en os, elle est comme un Stradivarius, son propre instrument capable de jouer de lui-même », écrit La Voix humaine à son intention en 1930. Ce seul-en-scène est un tel succès qu'un enregistrement sur 78 tours est réalisé dans la foulée des représentations.

En parallèle, elle transmet sa passion à des élèves comme Madeleine Renaud, Fernand Ledoux et Pierre Fresnay, qui sera son troisième mari. Cette passion pour l'enseignement ne la quittera pas et elle compte des élèves des plus jeunes générations, comme Guy Bedos ou Michel Galabru.

En 1941, elle quitte volontairement la Comédie Française et refuse ainsi de participer à une tournée à travers l'Allemagne nazie, selon le souhait de l'occupant. Elle joue moins mais reste intègre et fidèle à ses valeurs.

Après-guerre, elle participe à de nombreux films parlants qui connaissent un grand succès au cinéma parlant et partage l'affiche de grands noms : Fernandel, Bernard Blier, Danielle Darrieux, Louis Jourdan, Jean-Pierre Aumont. Elle réintègre la Comédie Française en 1950.

Ce qui peut paraitre étonnant, c'est que Berthe Bovy, malgré son succès sur les scènes françaises, sur les écrans de cinéma et de télévision, n'a jamais renié son origine wallonne. En salle, à la télé, en interview, même à l'ORTF, elle n'hésite pas à glisser une référence à sa terre natale et à son parler maternel. Après son décès en 1977, c'est d'ailleurs à Liège, au cimetière de Sainte-Walburge, qu'elle est enterrée.

La bague ci-contre a été achetée à la bijouterie E. Forest Joaillier de la rue Rivoli à Paris. Elle est en or 18 carats et est ornée d'une améthyste taille ovale. Le corps de bague est fait de quatre fils avec palmettes. Le chaton est ajouré, à quatre griffes doublées. Elle a été réalisée dans le style art déco.

Elle est le témoignage des fiançailles de notre actrice liégeoise avec M. Pierre Fresnay, son troisième mari. Pierre Fresnay était également acteur à la Comédie Française et au cinéma. C'est le premier à jouer le Marius de Marcel Pagnol au cinéma. Il est également connu pour avoir été l'amant d'Yvonne Printemps, l'épouse de Sacha Guitry, et pour avoir suscité leur divorce retentissant.

Berthe Bovy, qui était son professeur et son aînée de 10 ans, était tombée sous son charme. Leur mariage fut pourtant éphémère : mariés en 1929, ils se séparèrent moins d'un an après.

De son vivant, Berthe Bovy avait confié cette bague à sa filleule Janine Pâques, que les Liégeois connaissent mieux sous le nom de Janine Robiane. Elle aussi, sous ce pseudonyme, connut une grande carrière d'actrice sur la scène du Théâtre du Gymnase puis au sein de la troupe des Comédiens associés, qu'elle fonda au Trocadéro.

En 2006, Janine Robiane transmit la précieuse bague à Madame Estelle Lemaire, elle aussi comédienne au Trocadéro. Le lien entre les deux femmes était assez proche de celui que Jeannine entretenait vis-à-vis de sa propre marraine. Estelle Lemaire, voulant honorer la mémoire des deux femmes, a décidé de le léguer au Musée de la Vie wallonne.

B.F. - Responsable Département Bibliothèque et Fonds dialectal wallon

Berthe BOVY,  la petite Liégeoise à l’assaut des scènes parisien
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