Musée de la Vie wallonne

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Focus

Itsi bitsi, petit bikini …

La plage de Blankenberge à la fin du 19e siècle

Quel chemin parcouru en 50 ans dans l’évolution du costume balnéaire féminin !

C'est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le bikini fait son apparition. Ce deux-pièces aux dimensions réduites se compose d'un soutien-gorge et d'une culotte formée de deux triangles de tissus. Quel chemin parcouru en 50 ans dans l'évolution du costume balnéaire féminin !

Cachez ce corps que je ne saurais voir…

C'est à la Belle Époque que se développe la mode des premiers bains de mer. Mais peut-on vraiment parler de maillot de bain alors qu'il est inconcevable pour la femme de dévoiler la moindre parcelle de son corps ? Pour avoir le droit de profiter des joies de la plage, ces dames portent, quand elles ne sont pas entièrement vêtues, une blouse descendant jusqu'à mi-cuisse, une culotte bouffante en lainage jusque sous le genou et des bas de couleurs foncées. On n'ose imaginer ce que cela donne une fois dans l'eau. Et, même couverte de cette manière, il est de bon ton d'éviter d'être exposée aux regards en se glissant subrepticement de la cabine de plage à la mer, enfouie dans un vaste peignoir. On prévoit même des heures réservées aux femmes, un son de cloche enjoignant aux messieurs de quitter la plage.

La garçonne se dévoile

Mais la guerre de 1914 va bouleverser les règles de bienséance et transformer la condition féminine. Jusque-là sous la coupe d'un père, puis d'un mari, la femme fait progressivement l'expérience de la liberté et de la débrouillardise, devant faire face à l'absence des hommes mobilisés sur le front. Ce qui était une nécessité durant la guerre devient ensuite une habitude : un pas vers l'émancipation féminine est franchi.

Après la Grande Guerre, la bourgeoise travaille et devient indépendante financièrement, elle fume, elle conduit une voiture. Quelle révolution que ces bien nommées années folles ! La répercussion sur la mode est spectaculaire. Simplification et raccourcissement des robes, masculinisation de la silhouette qui devient androgyne, la garçonne est née. La pratique croissante du sport favorise l'apparition de vêtements adéquats. Et comme la mode est désormais au teint halé, la femme s'exhibe sur les plages en costume de bain une pièce, près du corps, découvrant pour la première fois les bras et les jambes.

Sportive et élégante

Malgré la grave crise financière de 1929 et la menace inquiétante d'un conflit armé suite à la montée de Mussolini et d'Hitler au pouvoir, c'est un climat général d'euphorie que connaissent les années 1930. Avec la création des premiers congés payés en 1936, on assiste à un engouement pour les vacances au bord de la mer. Encore réservés à une certaine élite, les séjours dans les hôtels de la Côte normande et de la Côte d'Azur, ou les croisières à bord de luxueux paquebots, sont prétextes à créer une élégante garde-robe d'été. Celle-ci se compose de larges pyjamas de plage, de paréos et de shorts, et surtout du costume de bain. Conçu pour la natation, le maillot une pièce en jersey épouse les formes et dégage encore davantage les épaules et les jambes afin de ne pas entraver les mouvements. Pour se modeler un corps musclé et harmonieux que la mode met en valeur à travers des robes moulant les hanches et le buste, la femme s'adonne au sport et à la culture physique sur les plages.              

Les années 1950 : une image contrastée de la femme

Mais la guerre éclate et ces préoccupations esthétiques passent au second plan. Si les traces laissées par ce conflit mondial vont être profondes, la période qui suit ces sombres années est pourtant teintée d'optimisme et s'enthousiasme pour l'abondance et la consommation effrénée. Tout ce qui facilite la vie semble désormais accessible. Et tous les foyers veulent s'emparer des dernières innovations.                                                 C'est dans ce contexte que le bikini fait son apparition. Son nom fait référence à un atoll du Pacifique dans lequel les Américains ont opéré leurs premiers essais nucléaires le 30 juin 1946. Son créateur, Louis Réard, laisserait il sous-entendre que l'effet produit est aussi explosif ?

Pourtant, la femme des années 1950 se voit imposer un code moral strict lui dictant de se comporter en épouse modèle, irréprochable, digne de son mari et impeccable de la tête aux pieds en toute circonstance. Mais les « fifties », c'est aussi l'époque où le cinéma consacre la star hollywoodienne dont le mode de vie et la tenue vestimentaire ne sont pas toujours en adéquation avec ce code.

La guerre des deux pièces                                                                                        

Auparavant, c'est la pin-up, apparue dans les comics des années 1930 et décorant les vestiaires des soldats qui fait office de sex-symbol. Est-ce elle qui inspire Jacques Heim lorsqu'il crée, en 1932 déjà, son maillot de bain deux-pièces baptisé « Atome », composé d'un soutien-gorge et d'un short montant jusqu'au-dessus de la taille ? Mais cette première tentative remporte très peu de succès.

Lorsque la maison Réard lance, 14 ans plus tard, son fameux bikini, on assiste à un véritable duel publicitaire à coup de slogans entre les deux créateurs. Ainsi, lorsque Heim proclame « Atome, le plus petit maillot de bain du monde », Réard rétorque avec « Le Bikini, le maillot de bain plus petit que le plus petit maillot de bain du monde ». Il renchérit en lançant « Le Bikini, la première bombe an-atomique ».  

Shocking                                                                                                                              

C'est en juillet 1946 que Louis Réard, ingénieur automobile de formation mais ayant baigné dans le monde de la lingerie grâce à la boutique de sa mère, présente dans le cadre de la piscine Molitor à Paris, son premier bikini. Il est porté par une danseuse nue du Casino de Paris, aucun mannequin n'acceptant de défiler dans cette sulfureuse tenue qui dévoile pour la première fois les hanches et surtout le sacro-saint nombril. Ce scandaleux deux-pièces ne connait d'ailleurs pas un succès immédiat et est même interdit dans de nombreux endroits, dont les plages françaises. Il faut dire que les maillots de bain une pièce de l'époque couvrant le corps de la poitrine jusqu'au haut des cuisses s'apparentent davantage aux gaines pas toujours très affriolantes que l'on porte sous la robe pour affiner la taille et gommer les hanches : ils en ont la forme et le baleinage.                                                                                                                                                                                              

Innovation textile

C'est alors qu'une découverte révolutionne le costume de bain : la création de fibres artificielles et plus particulièrement du nylon. Perfectionné par les Américains durant la guerre, il procure confort et meilleure tenue au maillot de bain, tout en lui permettant de sécher rapidement. Il va donc grandement contribuer au succès de notre bikini, même si les premiers modèles de Réard étaient confectionnés en toile de coton.

Révolution et sex-appeal

Les années 1960 vont devoir compter avec une jeunesse issue du baby-boom d'après-guerre. Le refus des valeurs traditionnelles, le droit à l'émancipation, la libéralisation des mœurs et la révolution sexuelle qu'elle prône auront raison des tabous que représente cet inconvenant costume de bain.

En 1956, Brigitte Bardot apparaissait déjà en bikini de toile vichy dans le film « Et Dieu créa la femme ». Elle l'affiche désormais sur les plages de Saint-Tropez et suscite l'engouement chez toutes celle qui veulent lui ressembler. Dalida le rend populaire en 1960 avec la chanson « Itsi Bitsi, petit bikini ». En 1962, il vole la vedette à James Bond combattant le Dr No, lorsqu'Ursula Andress l'exhibe ruisselante au sortir de la mer.

Depuis, le deux-pièces balnéaire a pris toutes les formes : bikini avec string ou tanga en guise de slip, monokini sans le haut, tankini avec un débardeur, microkini dont la surface est réduite au minimum, trikini dont le haut et le bas sont reliés par une étroite bande de tissu, jusqu'au burkini inspiré de la burka qui crée une vive polémique sur les plages en 2016. Avec l'actuelle crise du coronavirus, l'idée de le coordonner avec un masque buccal est née.

Qu'il est loin le temps où nos grand-mères faisait trempette sur la plage couverte de la tête aux pieds dans un costume de bain aussi inélégant qu'inconfortable. Mais ce symbole d'émancipation et de libération de la femme que représente le bikini n'est-il pas aussi devenu aujourd'hui l'emblème de la tyrannie qu'exerce le culte du corps avec ses contraintes et ses diktats.  

Le bikini étant peu représenté dans les collections du Musée de la Vie wallonne, vos dons datant des années 1950 à nos jours sont les bienvenus (benedicte.lamine@provincedeliege.be ).

B.L. Collaboratrice au département Objets-Réserves (textile)

Légendes des photos :

1. La plage de Blankenberge à la fin du 19e siècle.

2. Catalogue des Grands Magasins de la Bourse à Bruxelles présentant les costumes de bain en vente pour l'été de 1911.

3. Publicité pour les huiles Shell, 1928.

4. Publicité pour le bassin couvert de Verviers, vers 1930.

5. Maillot de bain de dame une pièce en jersey de coton, vers 1930.

6. Catalogue du Bon Marché, Vacances et textiles nouveaux, mai 1960.

7. Photo d'une élection de miss dans les années 1960, Fonds Desarcy-Robyn.

8. Maillot de bain deux-pièces en polyamide imprimé de motifs géométriques, composé d'un soutien-gorge à bonnets renforcés fixé dans le dos par une agrafe en métal, et d'une large culotte, vers 1965.

9. Maillot de bain deux pièces en lycra imprimé de motifs géométriques, culotte munie d'une ceinture élastique garnie d'une boucle en métal et soutien-gorge à bonnets renforcés, vers 1970.

10. Maillot de bain une pièce en polyamide, devant garni d'une jupette sur le haut des cuisses, vers 1970.

11. Bikini en polyamide et élasthanne imprimé de motifs floraux, soutien-gorge à bonnets renforcés par une coque et fixé dans le dos par une agrafe en plastique, pouvant se porter accompagné d'un paréo coordonné, vers 1979.

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