Musée de la Vie wallonne

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Focus

La Femme de Gilles

Affiche du film La Femme de Gilles de Frédéric Fonteyne, Artémis Productions, 2004.

Quand les objets du Musée prennent vie au cinéma ! - Une approche du film « La femme de Gilles » de Frédéric Fonteyne.

Septembre 2004, "La Femme de Gilles" de Frédéric Fonteyne sort sur les écrans en Belgique et en France. Adapté du roman éponyme de Madeleine Bourdouxhe, initialement publié en 1937, le film est salué par la critique et reçoit pléthore de prix dont le 'Prix Art & Essai' au Festival du Film de Venise en 2004.


Synopsis

« Années 30, dans un milieu ouvrier. Élisa (Emmanuelle Devos) est la femme de Gilles (Clovis Cornillac). Gilles travaille dans les hauts-fourneaux, parfois le jour, parfois la nuit. Élisa s'occupe des enfants, de la maison et vit chaque jour dans l'attente du retour de Gilles. Victorine (Laura Smet) est la sœur d'Élisa. Elle vient souvent rendre visite à sa sœur pour jouer avec les enfants et donner un coup de main. Élisa attend un enfant. De drôles d'idées lui traversent la tête. Gilles et Victorine, Victorine et Gilles… Mais non, ce sont de drôles d'idées. Et puis un jour, une sensation, une certitude qui s'abat (...)[1] »

L'univers d'Élisa...

En 2007, le Musée de la Vie wallonne rencontre Frédéric Fonteyne pour une interview consacrée au tournage du film. Le Musée avait prêté quelques objets à la production, participant modestement à l'élaboration du cadre des années trente, comme évoqué dans le livre de Madeleine Bourdouxhe. Fidèles au roman localisant l'intrigue dans un lieu imaginaire, Frédéric Fonteyne et son équipe ont effectué de nombreuses recherches privilégiant plutôt la reconstitution d'une atmosphère typique du milieu ouvrier d'époque.

De nombreux plans du film s'attardent sur ces détails et participent à la narration. C'est d'ailleurs essentiellement dans sa cuisine, véritable microcosme, qu'Élisa cadenasse son univers et assume pleinement sa condition de femme, d'épouse et de mère. C'est aussi le lieu des retrouvailles dont elle connaît le moindre recoin et dans lequel elle règne sur les objets. C'est l'endroit idéal pour reconquérir son mari en lui mijotant les plats qu'il affectionne...Le film, à l'instar du roman, foisonne de détails sur les objets qui entourent les protagonistes. Frédéric Fonteyne a rendu à l'écran, ce que l'auteure décrivait avec minutie. « Elle va de nouveau vers le fourneau, soulève le couvercle de la marmite, juste pour laisser passer l'odeur: Gilles la renifle avec une convoitise d'homme en fringale, et pousse un long soupir énamouré en songeant à la régalade proche (...)[2] »

Élisa s'autorisera à quitter ses repères momentanément pour pister son époux, le soupçonnant d'adultère avec sa sœur Victorine.
Ces dédales de rues empruntées sont autant de lieux anonymes participant à la construction de lieux imaginaires. Pour ce faire, Frédéric Fonteyne a choisi de tourner dans plusieurs villes, notamment à Liège. Des séquences ont été tournées rue de l'Épée et du Carré dans le « Vieux Liège », rue du Cloutier et de la Liberté en Outre-Meuse ainsi qu'au Fond-de-Gras, en Hocheporte et rue du Mouton Blanc. La maison de Gilles est une pure reconstitution et quelques scènes extérieures ont été tournées en province du Luxembourg. Selon Frédéric Fonteyne, le choix de cette diversité de lieux pour le besoin de l'adaptation du livre à l'écran, permettait l'emphase sur une époque...

« La Femme de Gilles",(...) "C'est une œuvre de fiction sur une femme (...) c'est plus une condition, plus qu'un lieu précis[3] »

Élisa s'exprime très peu... Son mutisme est une réponse à sa douleur. Les tâches qui lui incombent, tant dans sa cuisine, lieu de vie fédérateur pour toute la famille, qu'au jardin, essentiellement consacré au potager, sont ses garde-fous... « C'est pas quelqu'un qui est esclave de sa condition, c'est quelque chose qu'elle fait par amour (...) pour son homme. (...) C'était très important pour une femme, à l'époque, de tenir son intérieur (...) chaque objet avait un rapport où l'amour rentrait en jeu aussi. On a été très attentifs aux choix des objets qui accompagnaient vraiment une personne pour presque toute sa vie[4] ».

Frédéric Fonteyne a eu à cœur de reconstituer cet espace de vie permettant aux personnages de transcender leurs émotions et de partager des instants de vie, quelle que soit leur nature. Pots à farine, moulin à café, cuisinière en fonte émaillée, louches et casseroles émaillées peuplent cet univers qui s'ouvre sur chaque recoin réaménagé selon les besoins. Car, c'est dans la cuisine que la majorité de la vie familiale s'épanouit. On y étend le linge qu'on a lavé dans des bassines en tôle à l'aide d'une planche à lessiver, on le repasse, on coud à l'aide d'une machine à coudre et on reprise au coin du feu...On alimente la braise avec du charbon stocké en partie dans une charbonnière près de la cuisinière. On y empile aussi des paniers, des bocaux et des bouteilles. Les chambres, quand il y en a, se trouvent aux étages[5]... Comme les saisons rythmaient la vie, les objets ramenaient la réalité au présent.

Les temps ont changé ! Nos maisons aussi.

Au sein du parcours permanent du Musée de la Vie wallonne, dans la section consacrée à la vie quotidienne, des espaces de vie à différentes époques, ainsi que les objets typiques s'y rapportant, y sont présentés. Ils font écho à certaines scènes du film. « Répondre aux besoins vitaux tels que se protéger, se vêtir, se nourrir et s'équiper est une préoccupation universelle. Cet espace montre comment les Wallons ont mis en place une organisation correspondant aux nécessités du moment, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel, et comment ils ont adapté et amélioré leur quotidien au fil du temps[6]. »

Dans son roman, Madeleine Bourdouxhe aime introduire ses chapitres en évoquant la vie au quotidien. On retrouve de nombreux exemples : « Le Matin, Élisa se leva comme d'habitude, prépara le café, les tartines de Gilles (...) Lorsque Gilles fut parti, elle se mit à la besogne normalement. Ce fut même avec plus de minutie encore qu'elle frotta le dessus du fourneau, récura le carrelage de la cuisine[7]. »

C'est aussi dans un souci de fidélité au roman de Madeleine Bourdouxhe que Frédéric Fonteyne a privilégié la mise en exergue d'une époque et sa manière de vivre plutôt que des lieux précis.

J.-M. S., Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne

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Légendes :

1 : Affiche du film La Femme de Gilles de Frédéric Fonteyne, Artémis Productions, 2004.

2, 3, 4, 5 : Photos extraites du film La Femme de Gilles de Frédéric Fonteyne, Artémis Productions, 2004.

6 : Manne à linge, début du 20e siècle.

7 : Moulin à café de marque Peugeot Frères, début du 20e siècle.

8 : Pot à farine, Faïencerie de Nimy, vers 1925.

9 : Machine à coudre, 20e siècle.

10 : Cuisinière en fonte émaillée, Les Fonderies du Lion, 20e siècle.

11 : Buffet deux corps, 1945.

12 : Charbonnière émaillée, Phenix Works, 1945-1956.

13 : Panier, Brimbois, début du XXe siècle.

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[1] Artemis Productions : http://www.artemisproductions.com/index.php/fr/films/La_femme_de_Gilles

[2] Bourdouxhe, M., La Femme de Gilles, Babel, Actes Sud 2004, p. 9

[3] Extrait de l'interview de Frédéric Fonteyne, Musée de la Vie wallonne, 2007.

[4] Extrait de l'interview de Frédéric Fonteyne, Musée de la Vie wallonne, 2007.

[5] Pour les références aux objets issus de nos collections, vous pouvez consulter le catalogue en ligne du Musée via http://collections.viewallonne.be/

[6] Guide du Visiteur, éd. Musée de la Vie wallonne, 2011. p. 190.

[7] [7] Bourdouxhe, M., La Femme de Gilles, Babel, Actes Sud 2004, p. 30.

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