La Province de Liège se souvient

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Et pourtant la guerre n’était pas finie…

"Lire entre les lignes" (Gazette de Guerre n°1: nos libertés retrouvées)
partager sur Twitter partager sur Facebook   Publié le 29-10-2019

Et pourtant la guerre n’était pas finie…

Si l'occupation de Liège par les Allemands se finissait définitivement le 8 septembre 1944, la Seconde Guerre mondiale était loin d'être terminée.

Elle allait durer encore près d'une année et connaître, pendant cette période, les combats les plus durs et les pertes les plus effroyables de tout le conflit. Les populations civiles allèrent encore payer un très lourd tribut aux bombardements aériens, soit par l'aviation, soit par des bombes volantes (V1 et V2, voir Gazette de guerre n° 2). Les premiers seront le fait des alliés qui possédaient la maîtrise du ciel.

Les secondes attaques (armes de “représailles”) seront pratiquées par les Allemands au moyen d'engins autopropulsés, notamment sur Liège et Anvers. Entre-temps, le Reich, qui est en train de perdre toutes ses conquêtes, intensifiera son régime de terreur, de déportation et d'extermination (Gazette deguerre n° 4). Pressentant la fin prochaine de l'ennemi, les Anglo-Américains et les Soviétiques négocieront âprement le partage des zones d'influence de l'aprèsconflit (conférence de Yalta, en février 1945, voir Gazette de guerre n° 5).

Bref, cet article de presse, daté du 9 septembre 1944, Les derniers jours de l'occupation, est loin d'être un aboutissement dans ce conflit mondial. Il correspond à une nouvelle étape dans la reconquête de nos libertés.

Le témoignage d'Henri Dereze (futur greffier provincial)

Le 7 septembre 1944, une équipe composée de Messieurs Lambert, Cokaiko,
Bourgeois, Troclet, Dehousse et moimême, partit de la rue Darchis pour se rendre au palais provincial. Les tanks venaient d'exploser à Sainte-
Marguerite au Cadran, la ville était déserte, les coups de feu étaient nombreux. M. Leclercq (Gouverneur) était dans la seule voiture que nous avions pu trouver alors que moi, je me rendais à pied au Palais. Je me souviens que place du Théâtre, les balles sifflaient. On est entré dans mon bureau actuel et nous avons visité le Palais en vitesse. Il n'y avait plus rien ; dans la cave se trouvait un tonneau de poudre dont la mèche était heureusement éteinte sinon que resterait-il du Palais aujourd'hui ?

La libération de Liège

Les derniers jours de l'occupation

On a senti, tout de suite, qu'il se passait "quelque chose". et la ville prit, sans tarder, un autre visage...

C'est du côté des boches que l'on vit du changement. Le charroi alla d'abord en s'intensifiant, puis il se compliqua et prit bientôt allure de débandade.

La cité fut sillonnée dans tous les sens par des voitures de tous modèles, camions de toutes catégories, tanks de toutes dimensions, mais recouverts uniformément par un enchevêtrement de branchages verts.

Que nous étions loin du matériel pimpant de la "Blitzkrieg" de quarante! Cette fois, quel défilé lamentable où l'on ne comptait plus les carrosseries défoncées, les châssis démantibulés, les pneus usés jusqu'à la corde. Et quels chargements hétéroclites: des tonneaux d'essence voisinant avec des ustensiles de ménage, des literies mélangées à des pièces d'outillage, bref des tableaux ressemblant à s'y méprendre à ceux que nous valut le piteux exode du début de la guerre.

Quant aux hommes ils ne valaient guère mieux que les véhicules: uniformes fripés et souillés, tenues débraillées, visages mal rasés et marqués par la fatigue et le découragement.

Alors, ce fut dans la ville des explosions de joie. Les stratèges de carrefours ne tarirent plus de commentaires mirobolants. L'avance des armées alliées, signalée par la radio, prenait en passant de bouche en bouche, des allures de cyclone. Alors qu'on venait à peine de confirmer la libération de Namur, on affirmait que la présence des Américains à Huy, à Stockay, bientôt à Flémalle, tandis que d'autres quidams, aussi bien informés, prétendaient que les Anglais venaient d'atteindre Loncin.

Mais bientôt, il fallut déchanter. On s'aperçut que l'avance alliée ne pouvait pas être aussi rapide. On se rendait compte aussi que le passage des Allemands n'était pas à sens unique, qu'il ne s'agissait pas pour eux d'une fuite éperdue, mais de mouvements désemparés, peut-être, mais encore prêts à la résistance.

Alors Liège et sa population vécurent des heures crispantes. On apprenait la libération successive de Charleroi, Namur, Bruxelles, Alost, Malines, Anvers, Gand, Ypres et Ostende. Et les Liégeois de s'écrier: "Alors, nous serons les derniers?".

Mais cette période énervante ne s'éternisa pas. Alors que les plus optimistes ne prévoyaient plus l'arrivée des alliés avant la fin de la semaine, ils firent leur entrée dans la Cité Ardente au cours de la nuit de jeudi à vendredi.

Mais auparavant, l'armée de l'intérieur avait fait du bon travail. Profitant de la débandade des boches devant l'avance alliée, ils s'étaient emparés des points stratégiques et vitaux de la ville et dès la fin de l'après-midi, le drapeau belge flottait à la Citadelle, au Palais de Justice et à l'Hôtel de Ville. En même temps, toutes les maisons particulières étaient pavoisées aux couleurs alliées.

Vendredi enfin, les colonnes de tanks américains, dévalant à travers les faubourgs de Ste-Marguerite, débouchaient place Saint-Lambert.

Ce fut, comme on le pense bien, du délire.

Acclamations, fleurs et embrassades accueillirent nos libérateurs sur tout leur parcours.

Liège retrouvait son enthousiasme des grands jours pour manifester sa joie !

(Article de presse daté du 9 septembre 1944, extrait d'un cahier réalisé par M. Jean BOETS, futur Directeur général de l'Enseignement provincial)

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Et pourtant la guerre n'était pas finie...