Musée de la Vie wallonne

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Focus

A la mode de chez nous

Corset de fillette en soie, dénommé « corps », garni de baleines, vers 1780.

La mode enfantine dans les collections du Musée de la Vie wallonne

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Saviez-vous que la mode enfantine n'a pas toujours existé ? Bien qu'il soit considéré comme le centre de la famille, l'enfant n'était naguère qu'une simple projection de l'adulte au niveau vestimentaire.

Eh oui, à l'image de leurs parents, nos chères têtes blondes ont donc longtemps souffert des caprices incessants de la mode. Il faut dire que celle-ci n'a pas toujours fait bon ménage avec le bien-être. Et les plus jeunes en sont les principales victimes, contraints de porter ce que s'infligent les adultes pour répondre aux canons de beauté.

Au 18e siècle, être une fillette de bonne naissance requiert le port des inconfortables corps rigide et robe à paniers, ceux-là même que Marie-Antoinette rejettera. Quant au jeune garçon, on lui impose justaucorps de soie et jabot de dentelle à la manière des courtisans. Les tableaux affichent des portraits de marquises et marquis miniatures qui évoquent davantage des adultes de petite taille.


Mais la mode enfantine bénéficie de l'influence de la puissante Angleterre, forte de sa marine et de ses riches colonies. En réaction aux excentricités vestimentaires, celle-ci prône un retour à la simplicité et à la nature, une mode assouplie et l'usage généralisé du coton, cultivé intensivement dans ses colonies d'Amérique. Et ce ne sont pas les théories des hygiénistes de l'époque qui la contrediront.

Pourtant le siècle suivant fait fi de ces préoccupations. Si la tenue des filles est écourtée par rapport à celle de leur mère, on les affuble des mêmes artifices au gré des variations de la mode. De la crinoline à la tournure, des flots de rubans aux chapeaux surchargés de décorations, des jupons aux pantalons de lingerie, rien ne leur est épargné. Et lorsque la médecine finit par alerter, radiographies à l'appui, sur les dangers du port du corset dès le plus jeune âge, on lui prête une oreille peu attentive.

Jusqu'au début du 20e siècle, l'usage de la robe brouille les codes d'identification du genre puisqu'elle est indistinctement portée par filles et garçons en bas-âge. La raison en est qu'elle facilite le change et l'habillage du marmot. Pas toujours aisé, dans ce cas, de distinguer le sexe du jeune enfant à travers ces innombrables portraits du 19e siècle. Avant cela, jusqu'à ce qu'on le juge en âge de tenir sur ses jambes, il est immobilisé dans un emmaillotement serré en guise de protection. À l'âge de 7 ans, le garçonnet abandonne la robe pour le costume trois-pièces, veste, gilet et culotte serrée sous le genou.

Maman les petits bateaux

La toute première manifestation d'une mode propre aux enfants, c'est à la Reine Victoria qu'on la doit. Encore l'Angleterre ! En 1846, lors d'une croisière à bord du yacht royal, elle fait revêtir au futur Edouard VII un uniforme de matelot de la Royal Navy. Comment aurait-elle pu se douter de l'engouement qu'elle provoquerait pour le costume marin ?

Les familles aristocratiques d'Europe s'en emparent, avant que la vogue ne gagne également la bourgeoisie. Une fois adopté par tous, il devient la tenue portée traditionnellement au lendemain d'une communion, ou celle « du dimanche » et des grandes occasions. Reconnaissable à son grand col carré, il se décline, en bleu et blanc, en version garçon avec pantalon à pont ou culotte courte, en version fille avec jupe plissée. Combien de moussaillons ont pris la pose, ainsi vêtus, chez le photographe ! Il traversera les époques et connaîtra un regain d'intérêt dans les années 1950.

Quand naquit la mode

C'est d'ailleurs aux alentours de 1850 que l'on commence enfin à évoquer une mode spécifique aux bambins. Suite à l'apparition de la confection, production en série d'un même modèle grâce aux progrès engendrés par la machine, les grands magasins connaissent un succès phénoménal. Il faut dire qu'on peut s'y procurer sur le champ, à prix démocratique, le modèle de son choix dans la taille qui convient. Et puisque l'enfant représente un nouveau marché pour l'industrie textile et le commerce, on crée des rayons spécialement dédiés à celui-ci. Les premières revues de modes contribuent elles aussi aux prémices de cette mode enfantine.

Blanc blanc blanc

Dans les familles bourgeoises, il est alors d'usage d'habiller sa progéniture en blanc. Les innombrables clichés immortalisant les familles mettent en évidence le contraste avec les adultes vêtus de sombre. Est-ce parce que cette couleur symbolise la pureté et l'innocence ? Ou bien s'agit-il d'affirmer cette aisance financière qui permet de faire entretenir parfaitement son linge ? Il est vrai que la machine à laver n'existait pas. Du blanc, rien que du blanc. Et des matières légères telles que mousseline, batiste et autres cotonnades. Il sublime tellement les travaux de broderies et de dentelle ce blanc.

Ce n'est que dans les années 1920 que la robe d'enfant revêt un caractère exclusivement féminin. Suite aux conditions imposées par la Première Guerre mondiale, les fillettes bénéficient des acquis de leur mère. Elles voient leur tenue raccourcir et se simplifier. Dès les années 1930, les garçons adoptent la culotte courte, voire très courte. Même s'il leur arrive encore à certaines occasions d'arborer une réduction du costume paternel.

Zone de confort

Avec le temps, les mentalités évoluent et, grâce aux innovations techniques, le vêtement d'enfant gagne en confort. Plus question dès lors d'entraver le nouveau-né dans un maillot, ni la fillette dans un carcan qui déforme son anatomie.

S'il y a bien une aubaine pour les tous petits, c'est l'apparition du tricot domestique. Il confère davantage de souplesse et de douceur que le coton habituellement utilisé. Pour faire face à la pénurie, il se développe considérablement durant la Seconde Guerre mondiale. Il reste d'usage courant jusque dans les années 1970. Apparu par nécessité, il devient par la suite un loisir qui connait un énorme succès. C'est la couleur qui distingue le sexe dès la naissance. Symbolisant la Vierge, le bleu initialement préféré pour les filles les différencie des garçons auxquels on attribue le rose, dérivé du rouge autrefois dévolu au sexe masculin en tant qu'emblème de pouvoir. Mais la tendance s'inverse suite au développement de la confection.

Au cours de ces deux derniers siècles, un grand nombre de nouvelles matières ont permis de contribuer au confort du vêtement d'enfant, mais aussi à sa facilité d'entretien, ce qui ne gâche rien. Jersey de coton, tissus éponges et fibres synthétiques envahissent la garde-robe des bambins. On assiste au retour des smocks, ces fronces rebrodées, créées dans les années 1930, qui confèrent de l'élasticité au textile.

Les formes aussi se sont adaptées pour offrir bien-être et liberté de mouvement. La bien nommée barboteuse des années 1950, ample et d'une seule pièce, est rapidement rejointe par la grenouillère. Celle-ci enferme les pieds et tient au chaud les gambettes tout en les laissant libre de gigoter. Suivra le body, dans les années 1980, muni d'une ouverture à l'entrejambe. Certaines marques ont compris ce besoin de confort et vont traverser les époques. Qui ne connait pas Petit Bateau et ses insubmersibles sous-vêtements en jersey de coton ?

Cap ou pas cap ?

Aujourd'hui, la mode enfant fait la part belle aux couleurs vives et aux décors fantaisistes. Les adultes s'en empareront eux aussi. Animaux, personnages divers, héros de bande-dessinée ou du cinéma seront autant d'arguments de vente qui inciteront les mômes à réclamer ces vêtements.

Alors qu'on revendiquait l'égalité des sexes depuis les années 1960, la question du genre à travers le vêtement a toujours fait débat. Mais le vêtement d'enfant se veut de plus en plus unisexe, abandonnant les conventions et les codes couleurs.

Par contre, les rejetons n'ont pas renoncé à ressembler à leurs parents et s'approprient certaines pièces de leur dressing. L'indétrônable jeans ne se décline-t-il pas dans toutes les tailles ? Il se transforme même en salopette pour les plus petits. C'est ainsi, la mode est un éternel recommencement, même pour les plus jeunes.

Retrouvez ces pièces et bien d'autres sur le catalogue en ligne du Musée http://collections.viewallonne.be

Bénédicte Lamine, Collaboratrice au département Objets-Réserves (textile).

Légendes des illustrations :

1. Corset de fillette en soie, dénommé « corps », garni de baleines, vers 1780.

2. Robe en soie garnie de soutaches en velours et de volants, à porter sur une crinoline, vers 1865.

3. Pantalon de lingerie en toile de coton garni de boutonnières de fixation à la chemise, 1883.

4. Robe de garçonnet en piqué de coton, garnie d'une basque à bord festonné, vers 1870.

5. Portrait photographique d'un tout jeune garçon vêtu d'une robe, vers 1900.

6. Ensemble en velours composé d'une veste, d'un gilet et d'une culotte serrée sous le genou, vers 1870.

7. Costume marin en coton composé d'un pantalon à pont, d'une veste et d'un col marin amovible garni de galons, fin 19e, début 20e siècle.

8. Dumoulin, portrait photographique de deux soeurs et un frère vêtus de costume marin posant chez le photographe, 1925

9. Costume marin en coton, porté comme costume de communion privée, composé d'une culotte courte et d'une blouse brodée d'une ancre et garnie d'un grand col marin, 1953 et 1958.

10. Robe en batiste de coton garnie de tulle brodé, 1805.

11. L.Roland, photographie d'une famille, vers 1890.

12. Robe en coton à manches longues et petit col montant, garnie d'un double volant plissé, vers 1900.

13. Melle David, portrait photographique d'une fillette, vers 1909.

14. Barboteuse en laine réalisée au tricot, garnie d'un lacet coulissant orné de pompons, vers 1951.

15. Robe en velours à manches ballons, garnie de smocks et d'une ceinture fixe à nouer dans le dos, 1950-1959.

16. Barboteuse en coton imprimée de motifs représentant des enfants et des jouets, garnie de smocks ornés d'un galon festonné, vers 1952.

17. Pyjama grenouillère Absorba en velours éponge de coton, s'ouvrant de l'encolure jusqu'aux pieds grâce à des pressions, vers 2018.

18. Robe Dujardin en coton décorée d'un Esquimau sur un renne, 1982.

19. Pull en coton garni de motifs appliqués représentant Tintin et Milou, vers 1995.

20. Salopette en jeans Buissonnière, vers 1999.

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