Musée de la Vie wallonne

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Focus

Le bien-être animal

Traction chevaline

Une préoccupation croissante

Dès le début de leur domestication, les animaux n'ont cessé de travailler au service des humains. En Europe, le nombre de chevaux, de chiens et de bœufs utilisés pour tirer et soulever des charges s'est accru aux XVIIIe et XIXe siècle avant de décliner, sous l'effet de la motorisation et de l'électrification, au siècle suivant. Après avoir été longtemps mise de côté, la question de la personnalité juridique des animaux a fortement évolué au cours du XXIe siècle. Depuis lors, de nombreux pays se sont engagés dans cette problématique à la fois éthique, philosophique, politique et juridique du droit des animaux. En 2002, l'Allemagne a été l'un des premiers pays de l'Union Européenne à inclure le droit des animaux dans sa Constitution, s'engageant ainsi à respecter et à protéger la dignité des humains, mais également des animaux. Dans la même optique, l'Inde a, en 2013, été l'un des premiers pays à reconnaître le statut de « personnes non humaines » aux dauphins, signifiant qu'ils ne pouvaient plus être maintenus captifs. Un an plus tard, d'autres espèces animales ont pu bénéficier de cette reconnaissance à l'instar des grands singes en Argentine.

Parlons-nous trop du « bien-être animal » ?

L'expression « bien-être animal » est issue de la locution anglaise « animal welfare » popularisée dans les années 1960 au Royaume-Uni. Dans un article récent (MARSOLIER Marie-Claude, « Parlons-nous trop du 'bien-être animal' ? », in The Conversation, [en ligne], https://theconversation.com/parlons-nous-trop-du-bien-etre-animal-180166, page consultée le07/07/2022), Marie-Claude Marsolier, directrice de recherche en génétique au Muséum national d'histoire naturelle à Paris, se penche sur l'usage de l'appellation « bien-être animal ». Selon elle, cette expression est trompeuse étant donné que son emploi est généralement traduit par le respect du principe fondamental des 5 libertés individuelles d'un animal, à savoir l'absence de faim, de soif et de malnutrition; l'absence de peur et de détresse ; l'absence de stress physique et/ou thermique; l'absence de douleur, de lésions et de maladie et, enfin, la liberté d'expression d'un comportement normal de son espèce signifiant que son environnement doit être adapté à son espèce. Or, pour les animaux d'élevage, dont certaines filières se targuent de placer le bien-être animal au cœur de leurs préoccupations, il semble évident que l'ensemble de ces libertés ne peuvent pas être respectées, pour les animaux vivant dans des élevages intensifs par exemple.

Le terme « bien-être animal » pose donc problème car il laisse entendre que les conditions de vie de la majorité des animaux d'élevage respecteraient au moins leurs besoins primaires, ce qui n'est pas le cas au vu de certaines pratiques comme la caudectomie ou la castration à vif, sans parler des conditions d'abattage. De plus, Marie-Claude Marsolier souligne que le terme « animal welfare » renvoie à la notion d'amélioration des conditions de vie des animaux, en particulier dans les élevages, et non pas à un sentiment d'épanouissement, d'expériences de vie agréables qui se rapporte plus au terme « well-being ». Or, l'expression « bien-être animal » nous renvoie trop souvent à cette seconde représentation dont les enjeux sont plus de l'ordre du « confort » que de problèmes de souffrance dont il est souvent question chez les animaux d'élevage. Selon Marie-Claude Marsolier, il est nécessaire de restreindre, sans l'abandonner, l'usage de cette locution afin d'éviter sa récupération à des fins de minimisation de la violence.

La Wallonie, engagée pour le bien-être des animaux

De la théorie à la pratique, la Wallonie a décidé de franchir le pas. En effet, un changement important s'est produit en octobre 2018 avec la mise en place du Code Wallon du Bien-Etre Animal instaurant un cadre inexistant jusque-là. Pionnier en la matière, ce texte a pour ambition d'assurer la protection et le bien-être des animaux, en tenant compte de leurs besoins physiologiques et éthologiques, ainsi que de leurs rôles au sein de la société et de l'environnement. Il n'est donc pas étonnant que l'article premier de ce code stipule que les animaux sont désormais considérés comme des « êtres sensibles » et non plus comme de simples objets. Cette légitimation a eu pour conséquence des sanctions financières beaucoup plus lourdes et la détention, pour chaque personne âgée de 18 ans, d'un permis de détention dont il pourra être déchu en cas de maltraitance. Ce permis a été instauré pour responsabiliser les propriétaires, mais également pour punir les récidivistes. Jusqu'à présent, il n'était contrôlé qu'a posteriori, à savoir en cas de problème ou lors d'un contrôle. Mais, depuis ce 1er juillet 2022, la démarche est devenue davantage proactive. En effet, toute personne souhaitant adopter ou acheter un animal doit dorénavant présenter une preuve, à savoir un extrait du fichier central issu d'une base de données gérée par la Région wallonne. A noter qu'une période d'adaptation est entrée en vigueur jusqu'au 30 septembre 2022 dans le but de faciliter la mise en œuvre de cette disposition tant pour les citoyens et les communes, que pour les commerces, les refuges et les élevages. Ce document permettra de vérifier la situation du futur propriétaire afin d'autoriser ou non l'adoption d'un animal sur base de ses antécédents ; l'objectif étant d'éviter le risque de récidive de maltraitance. Les propriétaires ont plus que jamais des devoirs envers leur animal !

Si la Wallonie veut être à la hauteur de ses nombreuses avancées législatives en matière de bien-être animal, il est indispensable que celles-ci se concrétisent sur le terrain. Ainsi, une « Cellule Bien-Être Animal » a été mise en place dans de nombreuses villes wallonnes. Composée d'agents communaux et de policiers épaulés par des associations locales, leur mission est de faire de la prévention et d'assurer un suivi en intervenant sur le terrain. Dans une démarche similaire de responsabilisation, l'approche des grandes vacances amène de nombreuses personnes à rechercher les services d'un pet-sitter pour prendre soin de leur animal durant leur absence. Désormais, il sera nécessaire d'adresser une demande à l'administration communale pour obtenir un permis de détenir un animal afin de pouvoir exercer ce job. D'autres projets ont encore été initiés en matière de bien-être animal comme, par exemple, la création d'un défouloir canin à Fléron pour permettre aux propriétaires, spécialement ceux vivants dans des appartements, de lâcher leur chien dans un espace sécurisé ou encore une plaine de jeux pour chiens à Mouscron qui sera composée de modules afin de stimuler les chiens et leur permettre de se dépenser tout en sociabilisant avec leurs congénères.

Cependant, des efforts restent à faire à l'exemple du cas d'une procédure de divorce. En effet, faute d'accord à l'amiable, l'animal est encore et toujours considéré en tant qu'objet et s'ajoute dans le partage des biens matériels. Certains pays ont déjà statué sur la question à l'instar de l'Espagne où le code civil a été modifié. Dorénavant, comme s'il s'agissait d'enfant, la garde alternée des animaux de compagnie peut être décidée par un juge lors d'une séparation. Ce dernier doit alors considérer leur avenir en tenant compte de l'intérêt de la famille, du bien-être animal, de la répartition des temps de garde et des soins. Des pistes d'actions pour faire évoluer la situation en Belgique ont d'ores et déjà été proposées, comme l'inscription du bien-être et de la dignité des animaux dans la Constitution.

Amélie Collin, Chargée de projets, Département Médiation culturelle

Légendes des illustrations:

1. Cheval remorquant un tramway jusqu'au dépôt, Liège, 1929. N°1020344-1930

2. Chien de cloutier actionnant une roue motrice, Bohan, 1930. N°1024331-002

3. Affiche publicitaire, Cameo the Best cigarette, vers 1880. N°20754833

4. Tord-nez ou instrument de contention formé d'une cordelette en boucle fixée à l'extrémité d'un bâton, Bois et corde, 20e siècle. N°5022094

5. Carte reprenant 7 vœux que le cheval adresse à son maître, vers 1925. N°2299330

6. Scène en terre crue peinte représentant un jeu entre trois chats, de Georges Raquet, vers 2000. N°5056270

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