Musée de la Vie wallonne

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Focus

Les dessous chics

Corset baleiné en coutil de coton imprimé de rayures, fermé par des agrafes métalliques et resserré par un lacet, provenant de chez Lysens Soeurs, corseterie située rue Vinâve d'Ile à Liège, vers 1900.

... pour un effet choc !

L'histoire du costume attribue au vêtement trois fonctions essentielles : la protection, la pudeur et la parure. Si elle protège sommairement le corps des agressions extérieures, la lingerie s'amuse beaucoup avec la pudeur, cachant et dévoilant tour à tour cette nudité dont Adam et Ève avaient fait un péché. Mais c'est son rôle de parure qui lui dicte de mettre en évidence l'une ou l'autre partie de l'anatomie féminine, masquant ou attirant le regard sur ce corps qu'elle s'ingénie à rendre plus beau.

Plus beau dites-vous ? Ne serait-ce pas plutôt en accord avec les canons de beauté d'une époque ? Et pour ce qui est de modeler le corps selon les goûts du jour, les dessous ne manquent pas de subterfuges. Affiner ici, relever par là, gommer ceci ou rendre proéminent cela, ils infligent au corps des mutations à travers lesquelles on découvre, en somme, l'évolution de la mode au fil des époques. L'histoire de la lingerie nous le rappelle : il faut souffrir pour être belle. Et s'il est un rôle qu'elle endosse plus que toute autre pièce de la garde-robe, c'est bien celui d'ambassadrice de la séduction.

Incontournable corset

Destiné à affiner la taille, le corset en a tourmenté plus d'une. On le nomme « corps » au 18e siècle ; lacé devant et dans le dos, sa rigidité fait jaillir la poitrine dans le décolleté des dames qui ne se privent pas de l'exposer aux regards indiscrets. Et lorsqu'elles portent jarretières sur la cuisse, celles-ci sont brodées de devises libertines porteuses de messages en guise d'invitations galantes lancées aux messieurs.

Le 19e siècle fait du corset sa pièce maîtresse. Emprisonnant la taille de la poitrine au haut des cuisses, il est renforcé par des baleines. Paradoxal n'est-ce pas que cet énorme cétacé fournisse les fanons destinés à modeler une silhouette de rêve. La médecine l'accuse de nuire à la santé en occasionnant des déformations irréversibles au corps de la femme. Enfant déjà, celle-ci se voit imposer ce tyrannique accessoire parfaitement inadapté à sa morphologie.

À en perdre la tête

Grisées par les innovations techniques du 19e siècle, les machines à coudre s'emballent dans une frénésie d'éléments décoratifs. Volants, broderies, dentelles et autres rubans garnissent cache-corsets et jupons. Ce qui ravit les coquettes de l'époque qui exhibent leur prénom brodé sur les pièces de leur trousseau.

Est-ce parce qu'il est déboussolé par la succession de régimes politiques que ce siècle s'amuse autant avec le corps de la femme, dissimulant ou accentuant successivement différents aspects de son anatomie ?

Au Second Empire, la crinoline, cette encombrante cage composée de cerceaux de tailles croissantes, magnifie l'ampleur excessive des robes et procure de la matière aux caricaturistes. Et, pudeur oblige, le pantalon de lingerie sauve l'honneur en masquant ces jambes qu'il est impossible de ne pas dévoiler en s'asseyant ou en montant en voiture. Il est, grâce à dieu, fendu entre les jambes pour permettre à la dame de satisfaire plus aisément ses besoins naturels.

Avec la tournure, c'est sur les fesses que fantasme la Belle Époque. Associée à un corset droit devant et cambré dans le dos, cette demi-cage baleinée dénommée « faux-cul » façonne les silhouettes en lettre « S ». Elle finira par être remplacée par un simple coussinet bourré de crin fixé à la taille.

La fin du 19e siècle invente la chemise-culotte d'une seule pièce. Elle convient bien mieux au port du costume tailleur proche du corps et moulant les hanches. Rien de comparable avec la silhouette sans formes de la garçonne des années folles qui comprime ses hanches dans une gaine-ceinture élastique et ses seins dans un enroulement de bandes de tissus.

La forme et les formes

Après avoir pris goût à l'abandon du corset dans les années 1920, plus question de s'infliger un tel inconfort. Du moins le prétend-on ! Mais tout le monde le sait, la mode est un éternel recommencement et la décennie suivante prône un retour à l'image plus traditionnelle de la femme dont le corps est entretenu par le sport. C'est à la gaine que l'on confie le soin de remodeler celui-ci. Élastique certes, mais presque aussi contraignante que son prédécesseur. C'est alors que le soutien-gorge, destiné à mettre la poitrine en valeur, fait son apparition. Et il ne quittera plus le tiroir à lingerie de ces dames.

Si dans les années 1930 déjà, les fabricants s'étaient ingéniés à créer des matières extensibles, celles-ci remportent un franc succès dans les années 1950. Christian Dior, symbole de relance économique d'après-guerre chez les couturiers, lance son new-look : buste galbé, taille fine, hanches rondes. Rien de tel alors que le combiné en tissu élastique pour gainer le corps. Est-ce pour suggérer la nudité et rendre ce « tue l'amour », il faut bien l'avouer, un peu plus séduisant qu'il revêt des tons saumon ou couleur chair ? Avant cela, en matière de couleurs, si l'on excepte les quelques crinolines, tournures et autres culottes longues de teinte rouge, le blanc reste souvent de mise. Autrement plus affriolante, la guêpière, création de Marcel Rochas, garantit la finesse de la taille tout en préservant le décolleté des robes de cocktail. Tous deux intègrent les jarretelles destinées à maintenir les bas tendus.

Le nylon, une révolution

Tiens oui, les bas. Ça me rappelle quelque chose. Le nylon bien sûr. Cette innovation apportée par les Américains à la Libération envahit le monde de la lingerie. Imaginez-vous : infroissable, facile d'entretien et séchant rapidement. Quelle révolution pour la ménagère ! Profitant elle aussi de cette aubaine, la combinaison fait fureur grâce au cinéma hollywoodien qui ménage la censure tout en pratiquant le déshabillé. Et tant pis pour le jupon qui avait été choisi pour gonfler les déjà volumineuses jupes des fifties. En comparaison, on lui reproche d'épaissir la silhouette.

Déshabillez-moi

En révolte contre toute contrainte vestimentaire et réclamant la libération sexuelle, la femme des années 1960 se doit d'être juvénile et filiforme. Elle adopte donc la gaine-panty aplatissant le ventre. Quoi de mieux pour porter le pantalon jusque-là réservé à ces messieurs. La mode est si courte que le collant détrône les bas, entraînant dans leur chute les jarretelles. Il est long le chemin parcouru par les dessous féminins lorsque les années 1970 célèbrent le retour à la nature et la libération du corps. Grâce aux nouvelles matières synthétiques extensibles, la lingerie devient légère, confortable et invisible.

Mais ne croyez pas les belles matières définitivement proscrites pour autant. Ce serait sans compter avec les dernières décennies du 20e siècle. La Perla ou Aubade, réputée pour ses publicités suggestives, réhabilitent la soie et la dentelle. Séduction, voire érotisme, sont au goût du jour chez les fabricants de lingerie. Et si la femme s'offre un porte-jarretelles, ce n'est plus dans l'unique but de soutenir ses bas.

Quoiqu'il en soit, aujourd'hui, à l'instar de nos ancêtres, on n'a pas renoncé à tricher : les artifices sont toujours bien au service des canons de la beauté. La baleine a fait une nouvelle apparition, cette fois sous la poitrine. Le soutien-gorge balconnet et le string mettent les atouts physiques féminins en évidence. Et les pièces de lingerie push-up n'ont rien à envier au corset ou à la tournure de nos arrières grands-mères.

Alors que pensez-vous du rôle joué par la lingerie ? Protéger, cacher ou parer ?

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Bénédicte Lamine, Collaboratrice au département Objets-Réserves (textile)

Légendes :

1. Paire de jarretières en soie brodée de fleurs et de devises libertines (mon Désir / annonce Zéphir), fin du 18e siècle.

2. Corset baleiné en coutil de coton imprimé de rayures, fermé par des agrafes métalliques et resserré par un lacet, provenant de chez Lysens Soeurs, corseterie située rue Vinâve d'Ile à Liège, vers 1900.

3. Jupon en fine toile de coton garni de dentelle, de fronces, de plissés et d'un entre-deux en broderie anglaise orné d'un ruban, vers 1900.

4. Prénom « Juliette » brodé sur un jupon en guise d'identification de la propriétaire du trousseau, vers 1900.

5. Ensemble comprenant une crinoline composée de 11 cerceaux d'acier, un cache-corset en toile de coton, garni de dentelle et d'entre-deux passe-ruban et un pantalon de lingerie en coton, fendu entre les jambes, entre 1850 et 1870.

6. Carte publicitaire « porcelaine » lithographiée de la bonneterie-lingerie Junen-Willig, située Passage Lemonnier à Liège, vers 1850.

7. Tournure en cuir doublé de toile, garnie d'un lacet, de cordons de fixation à la taille et de baleines, 1875-1885.

8. Chemise-culotte sans-manches en coton, fermée dans le dos par des boutons, culotte fendue à longues jambes ornées d'un entre-deux de broderie anglaise et d'un ruban, vers 1910.

9. Gaine-ceinture en toile de coton et bandes élastiques, garnie de porte-jarretelles, dos lacé, 1925-1935.

10. Publicité pour la gaine-ceinture SAVA, vers 1920.

11. Catalogue automne 1938 du grand magasin Au Bon Marché, Vaxelaire-Claes, Place Maréchal Foch à Liège.

12. Combiné porte-jarretelles en matière synthétique élastique, fermé devant par une fermeture éclair et des agrafes, 1955-1965.

13. Gaine en coton broché, fermée devant par des agrafes et lacée dans le dos, garnie de baleines et de jarretelles élastiques, 1955-1965.

14. Parure de lingerie en tulle de polyester garni de dentelle, comprenant un soutien-gorge balconnet et push-up à armatures, un string et un porte-jarretelles, 1995.

15. Shorty en dentelle mécanique, 2006.

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