Musée de la Vie wallonne

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Focus

Femmes ingénieuses... (2ème partie)

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... des inventrices qui ont changé nos vies !

Les collections du Musée regorgent d'objets divers et variés. Nombre d'entre eux sont le fruit de l'ingéniosité de femmes astucieuses, souvent restées dans l'ombre. Notre nouvelle visite guidée, « femmes ingénieuses », vous emmène à la rencontre de ces inventrices qui, sans que nous le sachions, ont marqué de leur empreinte notre quotidien…

Lise Meitner : la fission nucléaire

Dans le domaine de la physique nucléaire, nous ne pouvons bien souvent citer qu'une seule femme : la brillante Marie Curie. Pourtant cette dernière n'est pas la seule à avoir excellé dans cette discipline. En effet, une autre scientifique de talent, moins connue du grand public, a mené des recherches capitales dans ce domaine. Il s'agit de Lise Meitner.

C'est à Vienne, en 1878, que Lise voit le jour dans une famille juive cultivée. Tout comme ses frères et sœurs, elle est poussée par ses parents à faire des études. La jeune fille s'intéresse aux mathématiques et aux sciences mais doit attendre 1897, date à laquelle l'Autriche ouvre ses universités aux femmes, pour accéder aux études supérieures. Durant deux ans, en autodidacte, elle se prépare à la Matura, examen final d'enseignement secondaire, nécessaire pour s'inscrire à l'université de Vienne. Elle y entre en 1901 et en ressort quatre ans plus tard avec la plus haute mention. Elle est la deuxième femme à obtenir un doctorat à l'université de Vienne. Malheureusement, étant une femme, elle ne peut poursuivre une carrière académique.

En 1907, elle quitte Vienne pour Berlin afin de suivre les cours du physicien Max Planck. Bien que l'université de Berlin ne soit pas encore accessible aux femmes (cela sera chose faite en 1908) et que Max Planck ne soit pas en faveur de l'éducation des femmes, il lui accorde une autorisation spéciale et devient un soutien important pour la jeune scientifique.

Elle se fait rapidement remarquer et commence à travailler avec Otto Hahn, responsable du département de chimie à la société Jaiser-Wilhelm pour l'avancement des sciences, créé en 1911. Elle y travaille dans un premier temps sans salaire et ensuite en tant qu'assistante de Max Planck.

Durant la Première Guerre mondiale, elle s'engage en tant que manipulatrice d'équipements à rayons X pour les blessés. Après le conflit, quand le département de physique est créé au sein de la société Jaiser-Wilhelm, elle en prend la direction. Avec Otto, ils identifient plusieurs isotopes et découvrent un élément chimique, le protactinium. Parallèlement, elle poursuit ses travaux en physique nucléaire. Elle étudie principalement les réactions nucléaires artificielles.

Lise parvient à conserver son poste malgré l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933. En effet, bien que ce dernier contraint à la démission les Juifs qui occupent un poste dans les services publics, Lise conserve sa place grâce à sa nationalité autrichienne.

En 1934, elle associe Otto Hahn et le chimiste Fritz Strassman, à ses recherches sur les réactions nucléaires artificielles. Ce projet est nommé "projet uranium". Les trois scientifiques découvrent en 1938 le principe de la fission nucléaire (ils parviennent à fragmenter de l'uranium en deux noyaux plus légers). Malheureusement, Lise doit prendre la fuite suite à l'annexion de l'Autriche par le régime nazi. Elle part s'installer en Suède, où elle poursuit son travail et continue sa collaboration avec Otto à distance. La physicienne est la première à comprendre que le procédé impliqué est ce qu'ils nomment ensuite la "fission". Aidés par Lise, Otto et Fritz finissent par démontrer la théorie des noyaux lourds. En décembre 1938, lorsqu'ils présentent le résultat de leurs recherches à la revue Naturwissenschaften, Lise n'est pas citée comme co-auteur de la publication, en raison de la situation politique.

Son rôle majeur étant écarté, elle est également mise de côté en 1944 lorsque les deux chimistes reçoivent le prix Nobel de chimie pour leurs travaux sur la fission des noyaux lourds.

Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, les possibles usages militaires de la fission nucléaire sont préoccupants. Lise Meitner, conviée au projet Manhattan lancé par le président Roosevelt, refuse catégoriquement de participer à la création d'une bombe. Lorsque les villes d'Hiroshima et Nagasaki sont bombardées les 6 et 9 août 1945, la scientifique est horrifiée par ce qui a été rendu possible grâce à ses découvertes théoriques. Elle se reproche d'être restée trop longtemps en Allemagne malgré la montée au pouvoir du régime nazi.

Lise poursuit ses recherches de son côté. Elle est nommée trois fois pour le prix Nobel mais ne le reçoit jamais. Par contre, elle remporte 21 distinctions, comme le prix Enrico-Fermi, en 1967. Elle décède en octobre 1968, après s'être installée en Angleterre. Elle est alors reconnue dans le monde des sciences : en hommage, deux cratères (l'un sur la Lune et l'autre sur Vénus) portent son nom, et l'élément de numéro atomique 109, découvert en 1997, le meitnerium, est nommé en son honneur.

Margaret Knight : le sac en papier à fond plat

Qui n'a jamais reçu un sac en papier à fond plat en allant faire des courses ? C'est à l'américaine Margaret Knight, souvent considérée comme « l'inventrice la plus célèbre du 19e siècle », que l'on doit cette invention. Née en 1838 dans le Maine, Margaret se montre très tôt ingénieuse. Son père étant décédé, elle doit aider sa mère afin de contribuer aux revenus de la famille. Ainsi, elle quitte l'école à l'âge de 12 ans pour travailler dans une filature de coton. Un jour, une navette en acier se détache du métier à tisser automatique et blesse un ouvrier. Suite à cet accident, Margaret met au point sa première invention : un système de retenue de navette qui sécurise le mouvement de la machine. Malheureusement, la jeune fille ignore alors qu'elle doit déposer un brevet pour protéger son invention et ne reçoit donc aucune compensation quand son dispositif est adopté dans d'autres usines du pays.

En 1867, Margaret commence à travailler à la Columbia Paper Bag Company. Elle considère que les sacs en papier seraient plus faciles à utiliser si leur fond était plat. Mais les sacs en papier à fond plat doivent être confectionnés à la main, ce qui rend leur fabrication très couteuse. C'est ainsi qu'en 1868, elle invente une machine qui plie et colle des sacs en papier et leur donne leur fond plat caractéristique.

Alors qu'elle développe sa machine, Charles Annan l'espionne et lui vole son idée. Il brevète la machine à son nom mais Margaret décide de ne pas se laisser faire. Munie de ses dessins originaux, elle entame des poursuites à l'encontre de cet homme. Si Charles Annan se défend, arguant qu'une femme ne peut pas être à l'origine d'une invention si ingénieuse, la justice donne raison à Margaret et elle récupère son brevet en 1871.

Son invention révolutionne l'industrie des sacs en papier car la machine fait le travail de trente personnes. Les sacs à fond plat sont alors fabriqués en masse et remplacent les sacs en forme de V, moins pratiques. Elle cofonde ensuite sa propre entreprise de sacs en papier, l'Eastern Paper Bag. Un modèle de sa machine est visible au Smithsonian's National Museum of American History. Une variante actualisée de sa machine est encore utilisée à la fin du 20e siècle et les sacs en papier à fond plat sont encore employés aujourd'hui dans de nombreux magasins et épiceries.

Consciente des difficultés propres à sa condition de femme, Margaret aurait déclaré : « I'm only sorry I couldn't have had as good a chance as a boy » (« Je suis seulement désolée de ne pas avoir eu une aussi bonne chance qu'un garçon »). Au cours de sa vie, elle brevète plus de 25 inventions (machine pour créer des chaussures, fermoir pour robes, ceinture…). Elle est intronisée au National Inventors Hall of Fame en 2006.

Julie Joris, animatrice – Médiation culturelle

Légendes :

  1. Maquette d'un générateur de vapeur de la centrale nucléaire de Tihange, Electrabel, 2007
  2. Maquette de la cuve d'un réacteur à eau sous pression de la centrale nucléaire de Tihange, Electrabel, 2007
  3. Sonde immergée autonome de mesure de la radioactivité de l'eau, IRE Environment & Lifescience Technology, 2001
  4. Centrale nucléaire de Tihange, photographie, négatif argentique monochrome sur plastique en noir et blanc, Desarcy-Robyns, 11 avril 1979
  5. Sac de forme rectangulaire en papier imprimé à l'effigie de l'exposition Jouet Star au Musée de la Vie wallonne, 2015-2016
  6. Sachet en papier pour l'emballage des produits alimentaires. Sachet fourni par les magasins Delhaize, 2020
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