Musée de la Vie wallonne

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Focus

C’est un jardin extraordinaire… le jardin botanique de Liège

Fond Dessarcy-Robyns, Botanique, entrée du jardin, 1957.

Le jardin botanique de Liège est un des endroits où il fait bon se promener, se détendre en famille ou entre amis.

À l'ombre ou au soleil, le spectacle de la nature nous fascine par tous les temps et toutes les saisons. Cet espace préservé apporte à de nombreux Liégeois un lieu de respiration à l'abri de la frénésie urbaine.

Domestiquer la nature

Cette nature bienfaisante, paradoxalement, n'a pourtant rien de « naturel » car elle est entièrement créée par l'homme.

La création du premier jardin botanique à Liège remonte à 1819 : il était installé place Cockerill. En raison d'aménagements sur les quais de halage en bord de Meuse, celui-ci est déménagé en 1840 dans le quartier du Bas-Laveu sur un terrain appartenant à la ville.

Le jardin botanique est l'œuvre de l'homme et de sa volonté de collecter, inventorier et étudier les espèces végétales : l'aménagement et la finalité du jardin reflète la relation complexe qu'entretient l'homme avec son milieu naturel. Les sociétés occidentales naturalistes du début du 20e siècle reposent sur une claire démarcation entre les concepts de Nature et de Culture. En ce sens, la nature dans son ensemble, est perçue comme une entité extérieure aux humains. La culture différencie donc l'humain du non-humain (plantes, animaux).

Les parterres sont ordonnés selon une classement spécifique que l'on doit au botaniste britannique John Lindley auteur de l'ouvrage A Natural system of Botany en 1830. Ce scientifique entretenait des rapports amicaux avec Charles Morren, professeur occupant la chaire de botanique à l'Université de Liège et directeur du Jardin botanique de 1835 à 1856. Lindley lui dédie un nouveau genre de plante, originaire d'Amérique du Sud, de la famille des Asclepiadaceae. Il lui donne le nom de Morrenia odorata. Cette plante orne la pierre tombale de Charles Morren au cimetière de Robermont.

Charles Morren est fortement influencé par le modèle du jardin à l'anglaise qui favorise un style paysager et poétique par opposition au jardin à la française où règne une symétrie toute militaire. En vérité, ces deux styles sont tout aussi travaillés l'un que l'autre mais le jardin à l'anglaise favorise une impression de « faux sauvage » avec ses sentiers tortueux, ses bosquets et pièces d'eau romantiques et ses rocailles ensoleillées.

L'architecte de la ville de Liège, Jules-Étienne Remont est chargé en 1839 de concevoir le plan du projet de style victorien. Il comporte des serres hautes et basses, des grandes rotondes sur un terrain pentagonal de 5 hectares. Mais le projet mettra plus de 40 ans à aboutir et sera maintes fois remanié. C'est Lambert-Henri Noppius qui est chargé vers 1880 de compléter les plans et l'inauguration du site a lieu en 1883. Charles Morren ne verra jamais le site achevé puisqu'il décède en 1858, c'est son fils, Édouard, qui perpétuera son travail mais celui-ci disparaîtra en 1883.

Le monde à portée de main

Au travers du jardin botanique, l'homme recrée un univers végétal en miniature. Le passage du macrocosme au microcosme permet l'étude des espèces qui peuplent le monde. L'enseignement et la recherche scientifique sont un des buts premiers des jardins botaniques et c'est pourquoi il appartiendra jusqu'en 1970 à l'Université de Liège. La collection du jardin botanique comporte de nombreux spécimens. Aujourd'hui, dans les serres chaudes, froides et tropicales, on compte plus de 5.000 plantes dont les célèbres collections d'origine de Broméliacées et de Bégoniacées mais aussi des plantes issues de la famille des Orchidées et des cactacées. Il existe aussi nombre de plantes médicinales et comestibles. Dans le parc, on trouve environ 170 espèces d'arbres dont un séquoia géant, un plaqueminier du Japon, des ginko biloba et un cyprès chauve répartis sur 3 hectares.

L'institut de Botanique vient compléter les plans du jardin botanique vers 1880. Il comporte notamment un auditoire, une orangerie et les serres basses, toutes les serres communiquant entre elles. Ces aménagements nous rappellent qu'au départ, le jardin botanique était conçu davantage comme un endroit à visée scientifique et taxonomique que de délassement et de loisirs tel qu'il est actuellement.

Les serres permettent la culture de plantes exotiques de tous les continents. À ce sujet, Charles Morren est connu pour son apport dans la fructification artificielle du vanillier (Vanilla Planifolia Jacks. Ex Andrews). La vanille, issue de la famille des Orchidaceae, est présente à Liège au jardin botanique vers 1829. La plante produit de nombreuses fleurs mais ne porte jamais de fruits. Sans l'aide des abeilles du Mexique (pays d'origine de la plante), la fructification ne peut se faire qu'artificiellement. La plante possède une structure qui rend difficile cette opération. Cependant, en 1837, Charles Morren obtient 54 fruits issus des serres du jardin botanique. L'idée de tirer profit de cette découverte lui apparaît mais son statut de professeur l'en empêchera. Ceci nous rappelle l'enjeu économique important des découvertes botaniques réalisées dans les colonies ou au gré des explorations. Les grains de vanille sont connus pour être une des épices les plus chères au monde.

Dès son ouverture, le jardin botanique sera reconnu internationalement. En effet, en 1885, le botaniste Roumain, Dimitrie Brandza visite Liège. Il rencontre Édouard Morren qui lui apporte son aide dans l'élaboration de plans pour le jardin botanique de Bucarest. Les serres roumaines, très similaires à leurs modèles liégeois, sont construites vers 1890 sous la supervision de Louis Fuchs (architecte belge). Celles-ci existent toujours malgré les dégâts subis également au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le sort s'acharne et les serres liégeoises subiront le même sort car le 24 décembre 1944, un V1 anéantit cet ouvrage en détruisant les rotondes. Cela cause la perte de dizaines d'espèces qui ne peuvent survivre au froid de l'hiver. Entre-temps, la botanique suscitait moins d'intérêt au profit de la chimie : la recherche fondamentale dans les jardins mêmes n'a cessé de diminuer au cours du 20e siècle.

Un lieu public

En 1893, lors de la vente du terrain par la ville de Liège à l'Université, la convention prévoyait que la ville reprendrait la gestion du site si l'Université renonçait à ses activités scientifiques sur le lieu. Dans les années 1970, l'Université déménage au Sart-Tilman. Acte symbolique, les grilles en fer forgé entourant le terrain sont retirées pour laisser le public entrer librement dans le parc.

Le jardin botanique ainsi que tous les bâtiments construits sur le site reviennent progressivement dans le giron de la Ville mais aussi de la Région wallonne (D.G.R.N.E.) en fonction des différentes compétences et niveaux de pouvoirs. Depuis 2001, l'institut de botanique abrite différentes associations, le C.R.I.E. et la maison de l'environnement. Quant aux serres, elles sont gérées par la région wallonne en partenariat avec des A.S.B.L. actives dans le domaine environnemental. Ces acteurs organisent différentes activités pédagogiques (visites guidées), culturelles (expositions, concert, bourse aux plantes) et de sensibilisation à la préservation de la nature.

Différentes restaurations ont déjà eu lieu (serres, institut de botanique) mais beaucoup reste à faire pour préserver durablement cet espace pluriel rempli d'histoire, à vocation patrimoniale, culturelle et scientifique. Témoin de la relation de l'homme avec son milieu naturel, il nous amène à nous interroger sur notre place dans la nature et sur notre rôle dans sa préservation pour les générations futures.

Julie Degré, Collaboratrice aux Collections photographiques.

Références bibliographiques :

  • botaniqueliege.be
  • BEAUJEAN, J., « Petite histoire de l'introduction et de la fructification du vanillier (Vanilla planifolia Jacks. Eex Andrews) au jardin botanique de l'Université de Liège et à l'île de la Réunion », dans Natura Mosana. 2002, Vol. 55, n° 4, p. 73-85.
  • BEAUJEAN J., « Sur la piste des anciennes gloires de la botanique et de l'horticulture à Liège. Visite du cimetière de Robermont (Liège) », dans Natura Mosana, 1999, vol. 52, p. 81-166.
  • DE SELLIER DE MORANVILLE Marie, DESTINAY Philippe, Histoire ancienne et récente du jardin botanique de Liège, 2019.
  • DESCOLA Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2005.

Illustrations :

  1. Fond Dessarcy-Robyns, Botanique, entrée du jardin, 1957.
  2. Fonds Desarcy-Robyns, Foins au jardin botanique, 1983.
  3. Fonds Desarcy Robyns, Parc du jardin botanique, vue sans grillage, 1973.
  4. Guissard Gérard, Serres du jardin botanique, 1992.
  5. Guissard Gérard, Serres du jardin botanique, 1992.
  6. Victor Barras, Serres du jardin botanique et étang, vers 1880-1890.
  7. Louis Max, Vue de l'intérieur des serres du jardin botanique, 1933.
  8. Ferdinand Massange de Louvrex, Rocailles et grotte du jardin botanique, vers 1890-1900.
  9. Ferdinand Massange de Louvrex, Serres du jardin botanique, début du 20e siècle.
  10. Lambert Salme, Portrait de Julien Etienne Remont, professeur d'architecture à l'académie des Beaux-Arts de Liège, 1868.
  11. Louis Max, Vue de l'intérieur des serres du jardin botanique, 1933.
  12. 13. 14. 15 : Édouard Morren, Description de l'institut botanique de l'Université de Liège, 1885.

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