Musée de la Vie wallonne

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Focus

La renaissance de la Grand Poste à Liège

Charles Delhaize, Vue de la Grand'Poste et d'un tramway, 1933

Un bâtiment multifonction...

En janvier 2021, le bâtiment de la Grand Poste sera à nouveau ouvert au public. Au sein de ce bâtiment néo-gothique, résideront des espaces de coworking, le département de journalisme de l'Uliège, un food court mais aussi une fabrique de bières artisanales. Avant de pouvoir découvrir ce nouvel espace, remontons dans le temps.

Des prémices à la première inauguration

En 1896, ce sont pas moins de six bureaux qui constituent l'administration des postes de Liège. La station principale dite « centrale des télégraphes » sied rue de l'Université. Ce bâtiment n'est autre que « l'ancien et vaste immeuble Orban auquel la maison mitoyenne a, par la suite, été annexée (...) »[1]

Cinq ans plus tard, après moult débats et autant de projets, tant avortés qu'ajournés, c'est dans le quartier du Chafour[2] que le nouvel Hôtel des Postes sera finalement reconstruit. Ses nouveaux bureaux ouvrent officiellement le lundi 16 décembre 1901. Le quotidien La Meuse couvrait l'événement par ces propos : « L'ouverture de la Nouvelle Poste, tant de fois annoncée et non moins autant de fois reculée, a eu lieu ce lundi matin, à 7 heures, en même temps que tous les services y étaient transportés et définitivement installés[3] ».

Le Quartier dit "du Chafour" pour accueillir le nouvel Hôtel des Postes

Habité par une population dense, le quartier du Chafour n'a pas bonne réputation. « La plupart des maisons qui s'y trouvent (...) n'ont ni cours, ni latrines, ni eau potable; malpropres, délabrées (...) elles constituent des foyers innommables et au point de vue de la morale et au point de vue de l'hygiène (...) Un égout y est chose inconnue (...)[4] ». Néanmoins, quelques contrastes subsistent. Tel est le cas de l'hôtel des Trois-Anneaux qui subit les premiers coups de pioche des démolisseurs pour laisser place au futur Hôtel des Postes. Sa situation géographique, au cœur de la ville et proche du quartier d'Outremeuse, en fait un choix soutenu et appuyé par les chambres de commerce et l'administration des postes. Le projet est d'ailleurs adopté par le conseil communal de la Ville de Liège au début de l'année 1895.

Un monument avec un architecte de renommée !

C'est l'architecte Edmond Jamar (1853-1929) qui est l'origine de la construction de ce bâtiment : il s'agit du projet le plus éclatant de sa carrière. On lui doit également la réalisation d'autres bâtiments prestigieux que ce soit l'Hôtel des Postes à Dinant, l'ancienne gare du Palais à Liège ou encore de nombreuses maisons individuelles mais aussi la rénovation d'édifices religieux et de châteaux. Depuis 1940, le Musée de la Vie wallonne conserve le fonds Jamar qui recèle à la fois des plans, des aquarelles ainsi que des croquis de ses différentes réalisations.

L'édifice couvre une superficie de 2.700 m² et son périmètre est délimité par la rue de la Régence, la place Cockerill et le quai sur Meuse. Son style néo-gothique est inspiré par le Palais des Princes-Evêques. La façade principale comporte deux niveaux et onze travées[5]. Le portail d'entrée en linteau échancré est surmonté d'une baie à trois jours et d'une grande baie à arc brisé au remplage[6] néo-gothique. L'inscription « Postes » en lettres dorée surmonte cet arc. On y trouve également la devise du royaume (« L'Union fait la force ») dans une allège à encadrement mouluré, ornée des armoiries de Belgique. « Quatorze blasons topographiques et héraldiques des villes, des provinces et des particuliers, ainsi que quinze statues en bronze provenant de l'atelier du sculpteur Maurice de Mathelin ponctuent les deux façades du bâtiment[7] ».

Une tour de 50 mètres et une gargouille

La tour d'angle de six mètres de diamètre s'élève à près de cinquante mètres. Une girouette terminale tourne en son sommet ! Trois fenêtres de façade ornent le rez-de-chaussée de cette tour à quatre niveaux. Elle constitue également l'entrée au public. Les parties hautes sont soulignées de frises aux motifs trilobés. Sur le pignon a été sculpté un médaillon figurant l'Hôtel des Postes qui est flanqué de l'unique gargouille du bâtiment.

Vu de l'intérieur en 1901…

La salle des guichets est constituée d'une structure métallique qui est éclairée par une verrière. Mais avant d'y accéder, on peut admirer un vestibule décoré de mosaïques et de panneaux de chêne aux sculptures de parchemins gothiques. L'accès au grand hall se fait via deux petites portes à glaces. Tous les guichets sont réunis autour de l'immense salle. L'espace réservé au public est vaste et garni de pupitres très luxueux, ornés de cuivres et de cristaux. Des lanternes éclairent le hall et occupent la presque totalité du plafond. L'ensemble du bâtiment offre de nombreux accès et espaces réservés au personnel et à la direction.

Pendant les deux conflits mondiaux

À l'instar de nombreux édifices liégeois, l'Hôtel des Postes subit les affres de la Première Guerre mondiale. La porte principale est enfoncée et brisée violemment par l'armée allemande le 6 août 1914. Les services de la poste sont interrompus momentanément pour ne reprendre qu'à partir du 16 octobre. Toutes les lettres expédiées de Liège sont ouvertes par les Allemands. Chaque envoi doit mentionner les coordonnées de son expéditeur. Seuls les timbres allemands peuvent être utilisés pour affranchir le courrier belge...

Lors de l'invasion allemande de 1940, la Grand Poste subit quelques dommages suite à la destruction de la Passerelle puis à l'explosion de deux bombes place Cockerill.


Et aujourd'hui?

L'Hôtel des Postes, également appelé « Grand-Poste », est désaffecté depuis le début du millénaire. Sa toiture et ses façades sont classées depuis 2002. De nombreux projets de réhabilitation se sont succédé.

Comme un clin d'œil au passé, le marché dominical de la Batte se tient le long des quais, face à l'édifice. On y entend encore des vendeurs vanter leurs produits, on y voit toujours des maraîchers et autres marchands s'activer comme au temps de la halle à la criée de 1868, juste sur le parvis, devant « La Grand-Poste »...

Jean-Michel Stockem, Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne

Légendes photos :

1. Victor Barras, La passerelle et la Grand Poste, Liège, début du 20e siècle.

2. Edmond Jamar, Avant-projet de la construction de l'Hôtel des Postes, Liège, 7 mars 1895.

3. Edmond Jamar, Détail de la Lucarne de l'Hotel des Postes, Liège, 15 janvier 1897. N

4. Vue du quartier du Chafour, rues Chéravoie et de l'Ancre, Liège, 1896.

5. Henri Joassart Vue de la construction de la Grande Poste, place Cockerill avec plusieurs charrettes, vers 1900.  

6. Edmond Jamar, Plan d'ensemble d'une phase de la construction de la Grand Poste avec au pied des palissades publicitaires, vers 1900.

7. Edmond Jamar, Vue en contrebas d'une phase de la construction de la Grand Poste avec au pied des palissades publicitaires, vers 1900.

8. Notaire Angenot, Construction de la Grand Poste, Liège, début 20e siècle.

9. Edmond Jamar, architecte, et ses collaborateurs photographiés dans la salle du public de la Grand Poste, Liège, entre 1896 et 1901.

10. Joseph Closson, Vue d'une voiture hippomobile des services postaux sortant de la poste centrale pour se rendre aux Guillemins, Liège, 1925.

11. Joseph Closson, Vue d'ensemble du marché aux légumes avec à l'arrière-plan la Grand'Poste, place Cockerill, 1925.

12. Charles Delhaize, Vue de la Grand'Poste et d'un tramway, 1933.

[1] « Le Nouvel Hôtel des Postes de Liège », dans Chronique des Travaux Publics et de la Finance-Revue Intercommunale, N°35, Bruxelles, le 30/08/1896.

[2] Le quartier dit du "Chafour" (également orthographié "Chaffour" et anciennement appelé "Chaufour") est un lieu-dit dont le nom fut inspiré par la proximité des fours à chaux.

[3] « La Nouvelle Poste », dans La Meuse, Liège, le 16/12/1901.

[4] « Le Nouvel Hôtel des Postes de Liège », dans Chronique des Travaux Publics et de la Finance-Revue Intercommunale, N°35, Bruxelles, le 30/08/1896.

[5] Une travée est une portion (de voûte, de comble, de pont) comprise entre deux points d'appui (colonnes, piles, piliers, etc.).

[6] Le remplage désigne l'armature en pierre taillée d'une baie. Ce procédé s'est développé avec l'architecture gothique qui a engendré des ouvertures de plus grandes taille.

[7] MARTHUS P., L'architecte Edmond Jamar. Mémoire de licence, ULg, Liège, 1990-1991, p.33-48.

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