Musée de la Vie wallonne

Musée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonneMusée de la Vie wallonne

Focus

« Noël » : toute une histoire !

Carte postale de vœux de Noël, en relief et illustrée en couleurs, envoyée en 1908

Et des traditions...

En Wallonie, à l'instar de nombreuses régions d'Europe, le mois de décembre se vit au rythme des traditions calendaires. Mais d'où vient cette célébration de Noël ? Et que signifient ces nombreuses traditions dont nous ignorons, la plupart du temps, les origines ? Pourquoi décorons-nous un sapin ?

Noël, une tradition chrétienne ?

La fête de Noël, telle que nous la célébrons, n'est pas si ancienne si on s'en réfère au calendrier chrétien déterminant sa première célébration en 354 de notre ère. D'ailleurs, pour la religion chrétienne, Noël, traduction de la locution latine Natalis–dies (« natale journée ») n'existait pas ! Le questionnement et la quête du savoir relative à la naissance du Christ mèneront à bien des débats. Mais pour comprendre comment et pourquoi nous fêtons Noël, il faut évoquer le Dieu Saturne, celui qu'invoquaient les Romains…

Saturne, divinité présidant au solstice d'hiver en tant que protecteur des semailles et de l'agriculture, était célébré par les Romains. Ces derniers lui consacraient les « Saturnales », réjouissances païennes fixées du 17 au 24 décembre. Ces rendez-vous calendaires rassemblaient les masses populaires et prodiguaient force et courage pour affronter l'hiver. Cette célébration était accompagnée de cadeaux : on offrait des porte-bonheur, du miel, des gâteaux et pour les plus aisés, de l'or ! Les maisons étaient décorées de lierre auquel on ajoutait des branches de houx et de gui…

Païen et divin !

Il faudra attendre le 4e siècle pour que l'Église chrétienne parvienne à fixer « Noël » par opposition aux cultes païens. La célébration de la naissance du Christ en date du 6 janvier fut tout simplement modifiée et fixée au solstice d'hiver du mois de décembre ! Le principe sera répété durant les périodes d'évangélisation d'autres peuples par les Chrétiens.

De manière générale, les coutumes liées à divers cultes divinatoires furent assimilées à la foi chrétienne moyennant certains aménagements et ce, malgré quelques réticences en Europe Occidentale et du Nord. Pour exemple, il était aisé d'établir un lien entre la couronne d'épines du Christ et le houx aux feuilles piquantes.

Justin Mossay, dans la publication Tradition Wallonne publiée en 1992 expliquait que « Plutôt que de s'approprier les coutumes païennes, les évêques sont préoccupés de convertir les fidèles eux-mêmes, c'est-à-dire, de les diriger vers une forme de perfection morale. Deux styles de vie leur paraissent incompatibles, d'une part, l'esprit évangélique, de l'autre, les liesses profanes dérivées du paganisme […] Mais l'Eglise avait surtout à faire saisir le sens religieux de la Noël. Et ce n'était pas simple ».

Les coutumes de Noël se sont généralisées et diversifiées partout où les populations ont été converties au christianisme. Ainsi, les crèches vivantes dont nous sommes encore les témoins seraient le résultat de lentes mutations de représentations théâtrales païennes auxquelles l'Église aurait imposé ses thématiques. Les Santons de Provence sont une de ces déclinaisons !

Offrandes aux dieux et cadeaux

S'il est une tradition qui n'a pas pris une ride, c'est certainement l'échange des cadeaux le soir du réveillon et/ou au petit matin du 25 décembre. Si aujourd'hui, l'achat en ligne supplante les commerces des villes dans la quête aux cadeaux, l'échange des présents fait suite à une tradition qui se serait particulièrement répandue au cours des 18e et 19e siècles.

Les Chrétiens aiment raconter que la tradition remonterait aux Rois Mages déposant leurs offrandes aux pieds de l'enfant Jésus. Sous le règne de Jules César déjà, lors du solstice d'hiver, les fonctionnaires romains se faisaient offrir des cadeaux par les populations ! Notons également que les offrandes faites aux dieux au sein des foyers, assuraient leur protection contre les mauvais esprits et promettaient de belles récoltes grâce à la fertilité des champs promise en retour.

L'arbre de Noël : tout un symbole !

Durant le solstice d'hiver, un rite païen antérieur à la fête de Noël consistait à décorer un arbre avec des fleurs, des fruits et du blé. À ce titre, pour les Celtes, le 24 décembre était associé à l'épicéa, arbre de l'enfantement. Les témoignages à valeur historique sont nombreux : aux quatre coins de l'Europe et à diverses époques ! De l'étoile posée au sommet du sapin symbolisant l'étoile de Bethléem guidant les Rois Mages aux premières illuminations apparaissant au 18e siècle en Scandinavie et, des décorations naturelles aux véritables œuvres d'Art des pays de l'Est de l'Europe où verre soufflé, métaux, cire et bois participent aux ornements dès les années 1950, le sapin reste un des symboles forts célébrant la Nativité…

Quant à la boule de Noël, elle serait née vers la fin du 19e siècle se substituant aux pommes décorant les sapins : un hiver rigoureux aurait empêché leur récolte… Après la Seconde Guerre mondiale, « les pépiniéristes ont dû créer des plantations spéciales et concevoir des variétés répondant aux diverses exigences de la clientèle. Le sapin synthétique est venu concurrencer l'arbre de nos forêts[1]. »

Des traditions de chez nous…

Elles sont multiples et varient également selon les régions.

La carte de voeux

La carte de vœux en est une. Généralisée grâce à l'essor de l'imprimerie en couleurs, d'abord en Angleterre où elle fut imaginée pour cohabiter puis, remplacer la carte de visite ; la carte de vœux illustrée est d'abord éditée en noir et blanc. Illustrée par des dessins pieux, des représentations prônant les valeurs familiales idylliques ou encore, des scènes de la vie quotidienne et plus spécifiquement, « de » Noël. Plus tard, elle sera également parée de dorures et d'effets scintillants.

Parfois, elle prendra du relief avant de devenir « pop-up 3D en papier » ou illustrée par des photos… Des textes pré-imprimés remplaceront souhaits et compliments transcrits avec application : l'expéditeur n'a plus qu'à signer ! « Aujourd'hui, le facteur est concurrencé par Internet : des cartes de vœux animées et sonores offrent un nouveau support aux messages de paix[2]. »

La Chandelle de Noël

Allumée à minuit dans les logis, « elle était une preuve d'assimilation avec la fête de la lumière renaissante dans l'hiver de décembre[3] ». Elle devait être en cire pure et était conservée comme un talisman, notamment pour éloigner la foudre.

Les nûles

Ces hosties de pain azyme constituaient en fait de précieux talismans. Leur nom wallon trouve ses origines dans l'ancien français niule (nuage) et du latin nebula. En relief sur la nûle, on y voit l'image d'un Crucifix. Elle était « collée derrière la porte d'entrée de la maison pour préserver celle-ci des macrales, ces sorcières de chez nous[4] ». Elles étaient de couleurs variées.

Superstitions

Dans les campagnes, les croyances et superstitions étaient innombrables. Les paysans s'imaginaient qu'à minuit, les bœufs et les ânes s'agenouillaient dans l'étable. Mort à celles et ceux qui auraient tenté toute intrusion pour assister au « spectacle » ! Dans la foulée, « les œufs pondus dans la nuit du 24 au 25 décembre constituaient des talismans[5] ». On aimait croire également que les abeilles chantaient dans les ruches…

Les bûches de Noël et le vin chaud

Il incombait au maître de maison d'entretenir le feu dans l'âtre ! Pour ce faire, il s'en allait chercher du feu au lampadaire de l'église afin d'allumer trois bûches. La ménagère préparait alors un vin chaud agrémenté de cannelle et de clous de girofle.

Les noix ou djèyes

« Pour connaître la température de l'année nouvelle, nos aïeux laissaient flotter douze coquilles de noix sur un bassin empli d'eau. Dans chaque coquille, un bout de chandelle ! On concluait qu'il y aurait autant de mois pluvieux que de coquilles chavirées[6] ».

La boûkète

Cette crêpe, dont la pâte est améliorée de petits raisins ou de ronds de pommes, est frite à la poêle avec du beurre. Selon la tradition, servie chaude, elle se déguste avec du vin chaud ou une tasse de café noir et brûlant ! On situe vaguement sa présence sur le sol wallon aux alentours de 1736, grâce à un rôle fiscal rédigé à cette date, lequel mentionnait un certain Mathieu Toussaint et son épouse, Catherine Falaise, « faiseuse de bouquettes » !

Les cougnous ou cougnolles ou cougnioles

Il en existe de nombreuses variétés selon leur région de fabrication.
En région liégeoise, il s'apparente à un gâteau de pâte blanche, peu ou pas sucré, pétri au lait et au beurre. De forme ovale, il est parfois orné de « corinthes » et de morceaux de sucre candi…

La liste des traditions est exhaustive. On pourrait y ajouter de nombreux théâtres de marionnettes et leurs répertoires dédiés à Noël (Lî Naissance à Liège), les différents boudins et autres charcuteries fabriquées pour les réveillons, les recettes de lapin ou encore de volailles, de gâteaux et la célèbre bûche de Noël…

Et comme le dit le dicton wallon : On-z-a tant criyî Noyé qu'al fin il è-st-arivé ! [On a tant crié Noël qu'à la fin il est arrivé !]

Jean-Michel Stockem, Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne

Légendes :

1. E. Baeyen, Arbre de Noël – Place Saint-Lambert à Liège, 1957.

2. Desarcy-Robyns, Auprès du sapin de Noël - Fillette avec une poupée, 1949.

3. Alphonse Henrion, Garçonnet vendant des nûles, 1929.

4. Joseph-Maurice Remouchamps, Vue d'enfants offrant des nûles aux passants, 1932.

5. Edouard Remouchamps, La fabrication des ronds de cougnoles à Quaregnon, 1951.

6. Rond de cougnole en terre cuite figurant une étoile, 1955.

7. Rond de cougnole de la fabrique Leclercq à Baudour, fin du 19e siècle.

8. Boule de noël en verre soufflé figurant le père Noël, vers 1950.

9. Boules de Noël en verre moulé, figurant les célèbres marionnettes liégeoises : Tchantchès et Nanèsse, 2007.

10. Flèche de sommet de sapin avec Perron liégeois et farandole représentant Tchantchès et Nanèsse ainsi que des petits métiers populaires, 2017.

11. Carte postale de vœux de Noël, en relief et illustrée en couleurs, envoyée le 25 décembre 1906.

12. Carte postale de vœux de Noël illustrée en couleurs et envoyée le 25 décembre 1909.

13. Carte postale de vœux de Noël, en relief et illustrée en couleurs, envoyée en décembre 1907.

14. Carte postale de vœux de Noël (en allemand), en relief, ornée de dorures et illustrée en couleurs, envoyée en décembre 1945.

15. Carte postale de vœux de Noël, en relief et illustrée en couleurs, envoyée en 1908.

[1] THURION M.-Cl., Noël 2002 (Texte rédigé pour une publication dans l'Agenda – Périodique mensuel d'information touristique)

[2] Ibidem

[3] « Folklore de Noël, de nouvel an et du jour des rois », in Si Liège m'était conté…Publication trimestrielle, N°9, Hiver 1963, p.3

[4] Ibidem, p.15

[5] Ibidem, p.5

[6] Ibidem

1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.


Tous les focus