Musée de la Vie wallonne

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Focus

PETITE CHRONIQUE DU CHOCOLAT... (DEUXIEME PARTIE)

Boîte à caraques Ri-Ri, fin de la 1ère moitié du 20e siècle

« La réclame » : un avant-goût de la publicité !

Dans les années 1850, la Révolution industrielle va modifier considérablement le paysage urbain. Le volume de production, de manière générale, augmente dans les usines et les petites entreprises familiales. La demande ne cesse de croître, essentiellement dans les villes dont la population augmente drastiquement en raison de l'exode rural. L'apparition des grands magasins ; le développement des chemins de fer permettant une intensification des échanges commerciaux et de surcroît, l'essor des marchés économiques, vont induire un développement des moyens de communication à tous les niveaux !

Avec la révolution industrielle apparaissent de nouveaux produits qui requièrent de la « réclame » pour attirer les marchés naissants. C'est le cas notamment de l'extrait de viande, du lait concentré, du chocolat et de la chicorée. De nouveaux media apparaissent conjointement au développement de la presse écrite à savoir « la réclame » (ancêtre de la publicité) et les affiches, de type promotionnel. Très rapidement, « la vente par correspondance » se généralise… Les habitudes alimentaires évoluent également. C'est ainsi qu'on observe les logos de marques s'étendre aux emballages et vers 1920 aux produits dérivés (boîtes d'allumettes, cendriers, etc.).

Des chromos en cadeaux et des emballages pour fidéliser la clientèle

La production du chocolat suit la tendance et son « packaging » évolue avec son temps. L'emphase est mise sur l'emballage car il sera la première empreinte visuelle perçue par le consommateur. Mais pour fidéliser la clientèle, il faut l'appâter en offrant des cadeaux sympas à collectionner ! « L'idée de la promotion par la distribution de chromos vient de monsieur Aristide Boucicaut, « propriétaire des magasins parisiens « Au Bon Marché ». Il remettait personnellement tous les jeudis aux enfants, accompagnées de leur mère, une image afin de les inciter à retourner au magasin le jeudi prochain[1]. » Parallèlement, de « jolies chromolithographies » sont introduites dans les emballages des grandes marques de chocolat.

En Belgique, le nombre de chocolatiers explose dès la fin du XIXe siècle : Hosay Frères, Hardy, Jacques, Rosmeulen, Aiglon, Vve Angenot Houpresse, Le Tigre, Rubis, Le Faucon, Clovis, L'Epervier, Côte D'Or, Leonidas, Callebaut et tant d'autres ont marqué l'âge d'or du chocolat. Souvent en concurrence, les marques rivalisaient d'ingéniosité pour se faire connaître. La réclame, dans un premier temps, la publicité ensuite, appuieront la notoriété de certaines d'entre elles. À la qualité promise par le nom, il fallait y ajouter l'envie de fidéliser une clientèle…

Diversité et consommation

Au début du XXe siècle, le chocolat se popularise et devient un produit de consommation plus accessible à un large panel de consommateurs. Certaines marques se développent tellement qu'elles diversifient leurs produits en les distribuant sous d'autres labels. La chocolaterie Jacques, à l'occasion du Cinquantenaire du Barrage de la Gileppe (1878-1928) revendique d'ailleurs davantage son statut de « marque » plutôt que son patronyme et distribue un bâton de chocolat « Gileppe » pour accompagner cet événement. Cet anniversaire fut matérialisé par une exposition grandiose qui mettait en valeur toutes les industries locales.

De nombreuses marques généralisent leurs offres de chromos glissées dans les emballages des tablettes de chocolat. Jacques, à l'instar de Callebaut et Côte d'Or, pour ne citer que quelques marques, édite « des cartes postales de différents types publicitaires en couleurs, humoristiques, de paysages etc…, c'est aussi la période où la distribution de petites images et de photos, glissées dans les emballages, commence. À l'instar d'autres fabricants, Jacques crée les marques Champion, Idéal Star contenant des photos d'artistes ou de vedettes, d'autres disciplines, la marque Goal contient une photo de « footballiste » (sic) destinée à un album pouvant en contenir 120[2]. »

Ces collections de chromos sont toutes aussi plus attrayantes les unes que les autres. La diversité des thématiques abordées plaît au plus grand nombre. Le succès est au rendez-vous : les consommateurs achètent, consomment et collectionnent !

Des thématiques tous azimuts et parfois racistes !

Les chromos livrées avec les tablettes de chocolat, toutes marques confondues, relevaient de thématiques très diverses et se voulaient didactiques. « Pour la plupart des collections, le choix se faisait sur propositions de l'imprimeur qui avait des contacts avec des dessinateurs[3] ». Les commandes étaient souvent adressées aux dessinateurs capables d'éclectisme…

Classiques de la littérature (Robinson Crusoé, Le Tour du Monde en 80 Jours, L'Île au Trésor,…) , personnages de bandes dessinées (Les Schtroumpfs, Quick & Flupke,…), stars et vedettes du cinéma et de la musique (actrices et acteurs hollywoodiens, époque yéyé,…), personnalités du monde scientifique (Marie Curie, Einstein,…), faune et flore endémiques ou exotiques (bestiaires ornithologiques,…), costumes et traditions, histoire des civilisations,…

Parallèlement, d'autres collections de chromos, essentiellement éditées durant la première moitié du XXe siècle, soulèveraient aujourd'hui bien des polémiques : histoire coloniale du Congo belge (la supériorité de la race blanche), caricatures anthropomorphiques (des singes anthropomorphisés représentant probablement des personnes de couleur…), races du monde (forçant les traits et les caractéristiques ethniques) et bien d'autres ! Acceptées ou non comme des normes dans les mœurs de l'époque à laquelle elles furent imprimées et éditées, ces chromos ont passionné des franges de la population.

Le Musée de la Vie wallonne possède dans ses collections de nombreux objets se rapportant au cacao et au chocolat. Chocolatières, services à chocolat en porcelaine peints à la main, emballages de chocolats rares, chromos et images issues de diverses collections et marques de chocolat (Aiglon, Suchard, Jacques, Côte d'Or, Leonidas, …). De quoi inspirer les plus fins gourmets et férus d'histoire…

Jean-Michel STOCKEM, Collaborateur au département des Archives générales.

Légendes des illustrations :

  1. Boîte à caraques Ri-Ri, fin de la 1ère moitié du 20e siècle.
  2. Fond de la boîte avec dessins de la marque Ri-Ri imprimés, fin de la 1ère moitié du 20e siècle.
  3. Présentoir publicitaire de forme ovale posé sur une base carrée, contenant deux affiches pour le chocolat belge Jacques, 1980-1990.
  4. Emballage du chocolat au lait « Régal des Fées », 1ère moitié du 20e siècle.
  5. Affiche publicitaire « Chocolat Suchard », fin du 19e- début du 20e siècle.
  6. Estampe – carte publicitaire commandée par la chocolaterie Antoine de Bruxelles, 1900-1930.
  7. Chromolithographie offerte par la confiserie et chocolaterie Lecocq à Bruxelles, représentant une collection « d'animaux comiques » (caricatures). 1ère du 20e siècle.
  8. Chromolithographie offerte par la confiserie et chocolaterie Lecocq à Bruxelles, représentant une collection « d'animaux comiques » (caricatures). 1ère moitié du 20e siècle.
  9. Chromolithographie offerte par le Chocolat Jacques et représentant une collection de portraits classifiés en races. « Le Chillouk » (Afrique). 1ère moitié du 20e siècle.
  10. 10. Idem. « Un Lobi » (Afrique/ Haute-Volta – actuel Burkina Faso)
  11. 11. Idem. « Représentant de la race Bantoue » (Kenya)
  12. 12. Idem. « Suisse-Alpin » (Europe)
  13. 13. Chromolithographie offerte par le chocolat Coop. Vignette extraite du film « Tarzan the Ape Man » (RKO, 1932).

[1] COLLIGNON Manon, Chromos Liebig, [En ligne] http://www.provincedeliege.be/fr/focus/17?nid=17065 (consulté le 16 juin 2021).

[2] PIRARD Charles, Fabrique de chocolat – Pains d'épices Bonbons Suisses, A. Jacques, Imprimerie Jules Plumhans, Verviers, 1996, p.22.

[3] PIRARD Charles, « Images de marques – 100 ans d'histoire du chocolat verviétois », Editions Pierre de Lune, 1999/1, p.60.

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