Musée de la Vie wallonne

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Focus

Les areines ou araines liégeoises

« Oeil de l'areine » faisant partie du réseau formé par l’areine de la cité, 2010

Un vestige du 13e siècle sous le musée

Une areine médiévale sous la Cour des Mineurs !

Durant les travaux de rénovation du Musée de la Vie wallonne, entre 2004 et 2008, au cours desquels l'ascenseur externe fut édifié, la galerie souterraine a révélé un tronçon appartenant au réseau formé par l'areine dite de la « Cité ». Cette areine desservait notamment la Place du Marché et le quartier Neuvice. Elle était reliée à l'areine Richonfontaine qui alimentait les rues des quartiers de Féronstrée et Hors-Château. Ce vestige historique du 13e siècle est visible au sous-sol du Musée de la Vie wallonne.

Aujourd'hui, ces « restes » d'areine (quand elles sont encore entières en sous-sol), sont incorporés au réseau de distribution des eaux.

Une areine ? C'est quoi ?

Les eaux provenant des précipitations en surface s'infiltrent à travers le sol et s'accumulent dans les vides naturels ou ceux créés par les travaux souterrains. Ces quantités d'eau, souvent très importantes, devaient être évacuées régulièrement pour éviter les risques d'inondation. Les « areines » sont des canaux de démergements permettant l'évacuation des eaux d'une ou plusieurs mines pour les drainer vers le fleuve, vers la ville via des canalisations (maxhais) ou vers un débouché également appelé « œil de l'areine ». « Le terme « areine » provient de l'ancien français « erre » qui signifie chemin, route ou voie[1]. »

L'eau… frayeur des mineurs !

« A l'origine, les charbonniers extrayaient la houille proche de la surface et facilement accessible. Lorsque leurs travaux étaient envahis par les eaux, l'exploitation était abandonnée et on creusait un nouveau puits dans les environs. Il arrivait fréquemment que les mineurs soient victimes d'un coup d'eau en tentant d'atteindre les veines inférieures (…)[2] »

Ce problème a longtemps constitué, pour les exploitants comme pour les mineurs, une véritable hantise, en particulier au pays de Liège. En effet, la charge d'exhaure (évacuation des eaux) y était bien supérieure à celle des autres bassins du territoire. Durant des décennies, la seule solution pour contenir l'envahissement de l'eau consista à isoler les chantiers en confinant les réservoirs souterrains plutôt que de les évacuer en surface.

Sous l'Ancien Régime, les Liégeois inventèrent la technique des « serrements » : un assemblage de madriers obstruant les galeries menant aux parties inondées de la mine. Les « bains » continuaient à se remplir sans gêner les ouvrages voisins.

Comment évacuer les eaux ?

La technique des « serrements », plutôt dangereuse, fut abandonnée vers 1850 au profit du pompage.

Ainsi, « l'épuisement par bac » consistait à laisser descendre un grand récipient au fond de la bure (puits de mine creusé entre des galeries) au moyen d'un treuil à bras pour vider le puisard, plus communément appelé le bougnou.

D'autres inventions se succédèrent, dont le ghyot, un tonneau permettant l'extraction de l'eau et son transvasement du pahage (un réservoir) vers le bougnou.

Néanmoins, le système d'exhaure où les Liégeois excelleront, sera sans conteste celui des areines !

Au Pays de Liège, des areines franches ou bâtardes…

On distinguait deux catégories d'areines : les « franches » et les « bâtardes ». Les premières servaient tant au démergement des houillères qu'à l'alimentation des fontaines publiques et privées de Liège, placées sous la surveillance des municipalités. Elles procuraient également « l'eau alimentaire ». Les secondes, dont l'eau n'était pas potable[3], avaient pour seul but de désengorger les mines.

Liège comptait quatre areines franches. La plus ancienne, dite du Val-Saint-Lambert, appartenait à l'abbaye éponyme. Elle aboutissait à Ans et alimentait le faubourg Sainte-Marguerite ainsi que la Place du Marché. Celle de la Cité distribuait ses eaux depuis le Mont Saint-Martin jusqu'en Vinâve d'Ile : elle alimentait les fontaines du Palais et du Marché. L'areine de Messire Louis Douffet atteignait le Fond Saint-Servais. Enfin, celle de Richonfontaine ou Richeronfontaine déversait ses eaux en Hors-Château, Féronstrée, Saint-Léonard et sur la Batte. Celle-ci alimentait le réservoir de la rue Mère-Dieu ainsi que la fontaine de Saint-Jean-Baptiste.

Jean-Michel Stockem, Collaborateur aux Archives générales du Musée de la Vie wallonne.
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Légendes :

1. « Oeil de l'areine » faisant partie du réseau formé par l'areine de la cité, 2010.

2. Gustave Marissiaux, Sondeurs, vue extraite de La Houillère, Glain, 1904-1905.

3. Fontaine Saint-Jean-Baptiste alimentée par l'areine de la Cité, en Féronstrée, début du 20e siècle.

4. Fontaine de la Place du Marché, alimentée par l'areine de la Cité, début du 20e siècle.

5. Pompe publique à Sainte-Walburge, Liège, 1902.

6. Fontaine Montefiore, Liège, Quai de la Goffe, 1890.

7. Fontaine Montefiore, Liège, Quai Sur-Meuse,1892.

8. Fontaine Montefiore, Liège, carrefour entre la rue Saint-Gilles et le Boulevard d'Avroy, vers 1900.

9. Fontaine Montefiore, Liège, Place Cockerill, vers 1900

[1] GAIER, Claude, Huit siècles de houillerie liégeoise – Histoire des hommes et du charbon à Liège, Liège, Éditions du Perron, 1988, p.65.

[2] MORA-DIEU, Guillaume, « Les areines liégeoises », dans La Lettre du Patrimoine, Liège, N°7, juillet – août –

septembre 2007.

[3] DELEUSE, Joseph, « Sur les traces de l' « Eau » Roland et des fontaines de Liège », dans Bulletin de la Société Royale le Vieux Liège, n°365-366,Liège, avril-septembre 2019, p. 477-483.

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