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Journée de réflexion

Journée de réflexion "Ethique et travail social"
partager sur Twitter partager sur Facebook   Publié le 10-11-2015

Le 24 octobre, le Campus 2000 accueillait une journée de réflexion organisée par le Centre de dynamique des groupes et d’analyse institutionnelle (CDGAI) avec la collaboration de la HEPL.

Le CDGAI avait convié les travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs…) pour une réflexion collective sur l'éthique dans le travail social, autour de la question"Entre contraintes et libertés, quelles issues à inventer collectivement".

Trois orateurs ont introduit la journée : Edouard Delruelle, professeur de philosophie politique à l'ULg ; Bruno Frère, chargé de cours en sociologie à l'ULg et directeur de recherche à Sciences Po Paris ; et Caroline Legrand du Comité de Vigilance en Travail Social.

La souffrance éthique

Edouard Delruelle a notamment développé le concept de "souffrance éthique" du travailleur social. Celui-ci est en effet contraint à adopter des procédures qu'il réprouve, procédures qui répondent à une logique gestionnaire contraire aux valeurs du travail social (exemple la pression visant à lever le secret professionnel).

Le contexte sociétal actuel voit l'Etat social mis en péril, la mise en concurrence généralisée des individus et des Etats et un véritable "darwinisme social" qui se traduit par une sélection "naturelle" des plus performants.

Sur le terrain, le travailleur social est contraint à des contrôles, sous le prétexte sécuritaire de prévention des risques. Pour contrer ce basculement et éviter l'aliénation éthique, sociale et culturelle du travailleur du secteur, Edouard Delruelle suggère des "Etats généraux du travail social".

L'éthique inéluctablement liée à l'économie

Bruno Frère a radicalisé cette analyse. Il a montré qu'éthique et système économique ont toujours été liés. Actuellement, la conception même d'éthique a été annexée par l'économie capitaliste.

Par exemple, en France, EDF, privatisée en 2004, a confié à un cabinet d'audit privé la rédaction de son code éthique plutôt qu'une procédure concertée avec les travailleurs. Cela permet à EDF de justifier, au nom des intérêts de l'entreprise, d'un côté une politique environnementale, des programmes d'action caritatifs et de développement et, d'un autre côté, les coupures de courant aux personnes les plus précaires et des conditions de travail inhumaines à ses standardistes.

L'éthique du travailleur social est également traversée par ce "tout à l'économie" : quantification de la réinsertion, responsabilisation des usagers sont autant de carcans imposés par les pouvoirs subsidiants du FSE à la Wallonie.

Pour s'opposer à cette lame de fond, Bruno Frère préconise d'élaborer une éthique à partir de ce que vivent les personnes en exclusion, une économie sociale construite à partir d'eux et donc du travail en dehors du salariat (solidarité, échanges).

Un comité de vigilance

Caroline Legrand a présenté son association, le Comité de Vigilance en Travail Social. Il s'agit d'une association bruxelloise composée d'associations et de particuliers qui, depuis 2002, vise à protéger la relation de confiance entre travailleur social et usager (via par exemple le secret professionnel).

Elle traite par exemple les plaintes des travailleurs du secteur juridiquement ou politiquement. Ainsi, elle a fait intervenir la Ligue des droits de l'homme auprès d'un CPAS qui interdisait à ses travailleurs sociaux de renvoyer des usagers vers l'aide médicale urgente (gratuite et outillée) mais bien vers des médecins généralistes.

Pour elle, la déontologie et l'éthique doivent rester les balises pour garantir un travail social respectueux des droits fondamentaux.

Dynamique collective au profit de la réflexion

L'après-midi, six ateliers ont permis échanges d'opinions et partages d'expériences, le but étant de faire émerger des pistes d'action. Trois de ces ateliers étaient animés par des enseignants et maîtres de pratique professionnelle de la HEPL.

Ils ont traité entre autres de mobilisation des travailleurs sociaux pour résister aux diktats de l'Etat social actif, de la responsabilité de l'école et de la formation vers une plus grande collaboration entre métiers du social et le développement de la formation continue pour tenir compte de l'évolution des exigences professionnelles.

Les participants sont repartis vers 16h forts de ces échanges et ressourcés par cette intelligence collective, avec des résolutions : prêts pour une mobilisation qui se prépare sur le thème "l'action sociale en danger", pour réfléchir à des Etats généraux du travail social.